Comment croissent les nanoparticules dans les fibres optiques

Résultat scientifique

À l'aide d'une sonde atomique tomographique, des physiciens et des physiciennes ont mis en évidence le changement de composition de nanoparticules au fur et à mesure de leur croissance dans une fibre optique dopée en ions de terres rares.

Les fibres optiques contenant des nanoparticules d'oxyde dopées d'ions de terres rares suscitent un vif intérêt car elles permettraient de contrôler « à façon » les propriétés de luminescence en adaptant la composition des nanoparticules. La caractérisation de ces nanoparticules amorphes est donc primordiale si l'on veut maîtriser l'ensemble des propriétés de ces fibres. Pour la première fois, une équipe de recherche internationale menée par un chercheur de l’Institut de physique de Nice (INPHYNI, CNRS/Univ. Côte d’Azur) a mis en évidence un lien direct entre la composition de nanoparticules de silicates de magnésium (entre 2 et 20 nm), formées par séparation de phase dans les fibres optiques, et leur taille. Par exemple, une nanoparticule de 2 nm de rayon contient environ 2,5 % de magnésium, contre 5 % si le rayon est de 6 nm. Ce résultat a été obtenu grâce à l'utilisation d'une sonde atomique tomographique, en collaboration avec la société CAMECA. Des simulations par dynamique moléculaire montrent que ces changements de composition entraînent des modifications de l'environnement local chimique des ions de terres rares.

Il en découle plusieurs conséquences importantes concernant les propriétés optiques des fibres dopées. Jusqu'à présent, on considérait que les nanoparticules devaient être les plus petites possibles afin de limiter les pertes par diffusion de lumière. Ces résultats remettent en cause cette doxa en montrant que les plus petites nanoparticules ont des compositions proches de celle de la matrice dont est issue la fibre, et ne sont donc pas "utiles" pour modifier les propriétés de luminescence des ions de terres rares. Par ailleurs, un changement de composition devrait s'accompagner d'une modification de l'indice de réfraction des particules en fonction de leurs tailles. Or, jusqu'à maintenant, les modèles de diffusion de lumière tels que la diffusion Rayleigh ne considèrent qu'un seul indice de réfraction pour les nanoparticules, quelle que soit leur taille. Enfin, une question cruciale concerne la croissance des nanoparticules et la formation de nanocristaux. Il s'agit de savoir si les premiers germes sont amorphes ou déjà cristallins. Grâce à ces résultats, nous déduisons que les premiers germes amorphes peuvent grossir tout en changeant de composition, jusqu'à obtenir celle nécessaire à la cristallisation.

Figure
(a) Nanoparticules observées par TEM. La taille des particules varie entre quelques nm et 200 nm. (b) Figure de diffraction mesurée par SAED sur les nanoparticules montrant qu'elles sont amorphes. (c) Cartographie 2D de la composition chimique mesurée par sonde atomique tomographique (APT) ; seuls le Mg (en rose) et l'O (en bleu) sont représentés. (d) Volume extrait du cœur de la fibre optique analysé par APT.

 

Références

Compositional Changes at the Early Stages of Nanoparticles Growth in Glasses. Wilfried Blanc, Isabelle Martin, Hugues François-Saint-Cyr, Xavier Bidault, Stephane Chaussedent, Chrystel Hombourger, Sabrina Lacomme, Philippe Le Coustumer, Daniel R Neuville, David Larson, Ty J Prosa, Christelle Guillermier. The Journal of Physical Chemistry, le 4 novembre 2019.
DOI: 10.1021/acs.jpcc.9b08577

Contact

Wilfried Blanc
Directeur de recherche au CNRS, Institut de physique de Nice
Communication CNRS Physique