Des bulles à facettes pour de nouveaux matériaux acoustiques

Résultat scientifique

Les bulles d’air dans l’eau constituent d’excellents résonateurs pour les fréquences acoustiques, et, à condition de pouvoir les stabiliser et contrôler leur organisation spatiale, elles sont une piste pour de nouveaux matériaux acoustiques immergés. À l'aide de supports imprimés en 3D, des physiciens grenoblois ont démontré qu'il est possible de générer des « bulles à facettes », plus durables et efficaces que les bulles sphériques classiques.

Lorsqu'une bulle d'air dans l'eau reçoit une onde sonore d'une fréquence bien particulière – la fréquence de Minnaert –, elle entre en résonance et se met à osciller très fortement. Elle réémet alors le son dans toutes les directions. Le son étant dispersé dans toutes les directions, son intensité peut être très atténuée lors de réverbérations multiples, ce qui permet une absorption acoustique très efficace. La longueur d’onde réémise à résonnance est environ 500 fois plus grande que la bulle. Cette différence d'échelle fait de la bulle un excellent candidat pour la conception de métamatériaux acoustiques, sur le modèle des métamatériaux optiques, avec à la clé de nombreuses applications originales. Plusieurs tentatives ont été réalisées ces dernières années pour fixer les bulles, comme les mettre dans un gel ou sous un filet. Si ces solutions sont intéressantes, elles présentent néanmoins quelques défauts : dans un gel, les bulles ne peuvent pas osciller aussi librement que dans l’eau ; et sous un filet, les bulles ne sont pas faciles à organiser.

Des chercheurs grenoblois du Laboratoire interdisciplinaire de physique (LIPhy, CNRS/Université Grenoble Alpes) ont imaginé une méthode astucieuse pour contourner ces problèmes. Celle-ci consiste à fixer chaque bulle à un support cubique de quelques millimètres réalisé en impression 3D avec un polymère standard (figure 1). En insérant ce support dans l’eau, de l’air est emprisonné par capillarité. La bulle ainsi créée est alors fixée au support, l’empêchant de remonter à la surface comme c’est le cas habituellement. Par ailleurs, en adoptant la forme cubique du support, la bulle se retrouve en fait « facettée », avec six interfaces eau-air quasi planes. La planéité des interfaces fait que la bulle se dissout plus lentement qu’une bulle sphérique de même taille. En outre, les chercheurs ont montré, grâce à des expériences, des simulations et un modèle théorique, que la bulle cubique ainsi créée présentait une belle résonance, similaire à la résonance de Minnaert des bulles sphériques. On peut ainsi créer à loisir de grands assemblages où des séries de bulles encagées sont reliées par des montants (figure 2), et obtenir ainsi des métamatériaux.


Il a par ailleurs été observé que les bulles, en vibrant, s'influencent quand elles ont chacune beaucoup de voisines. Apparaissent alors des modes de vibration collective à plus basse fréquence, où toutes les bulles résonnent en phase, ce qui absorbe les ondes acoustiques et les redistribuent en vibrations internes.

En proposant une méthode originale pour fixer une bulle sans l’empêcher d’osciller, ces résultats ouvrent la voie à une nouvelle façon de créer facilement des métamatériaux à bulles.

 

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Figure 1. Photographie montrant une bulle cubique d’air dans de l’eau. Ici seules trois interfaces sont visibles. La taille du cube est de 2.4 mm. @ Maxime Harazi, LIPhy (CNRS/Université Grenoble Alpes)

 

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Figure 2. Assemblage de bulles cubiques de 3 mm, reliés par des poutres dans des arrangements plans ou volumiques, ce qui donne des métamatériaux. @ Thomas Combriat, LIPhy (CNRS/Université Grenoble Alpes)

 

Références

Acoustics of cubic bubbles: six coupled oscillators. Maxime Harazi, Matthieu Rupin, Olivier Stephan, Emmanuel Bossy, Philippe Marmottant, Physical Review Letters, le 16 décembre 2019.
DOI:
10.1103/PhysRevLett.123.254501

Article disponible sur les bases d’archives ouvertes arXiv et HAL.

Acoustic interaction between 3D fabricated cubic bubbles. Thomas Combriat, Philippine Rouby-Poizat, Alexander A. Doinikov, Olivier Stephan, Philippe Marmottant, Soft Matter, le 14 février 2020.
DOI: 10.1039/C9SM02423A
Article disponible sur la base d’archives ouvertes HAL.

Contact

Philippe Marmottant
Directeur de recherche au CNRS, Laboratoire interdisciplinaire de physique
Communication CNRS Physique