Des électrons pour sonder les modes vibrationnels d’une molécule

Résultat scientifique

Des physiciens ont réussi à cartographier l’empreinte des modes vibrationnelles à l’échelle atomique d’une molécule unique grâce à l’utilisation d’une pointe STM. Ces travaux de recherche constituent un pas décisif vers une spectroscopie des modes vibrationels à l’échelle subnanométrique.

Depuis l’avènement des lasers, les chercheurs sondent la matière en recherchant toujours plus de sensibilité et de résolution. De nombreuses techniques de spectroscopie basées sur la détection de fluorescence induite par excitation lumineuse se sont développées au fur et à mesure de l’avancée des technologies. Il est aujourd’hui facile d’obtenir l’empreinte des modes vibrationnels grâce à des spectroscopies type Raman et ses dérivés. Cependant, ces spectroscopies sont limitées par la résolution spatiale. Plus récemment ce sont développés les techniques de microscopie à effet tunnel permettant de venir sonder la matière à l’aide d’électrons émis d’une fine pointe métallique. Des physiciens de l’Institut de physique et chimie des matériaux de Strasbourg (IPCMS, CNRS/Univ. Strasbourg) ont réussi à combiner la résolution spatiale subatomique du STM avec une mesure spectrométrique des modes vibrationnels d’une molécule unique. Ils ont pu distinguer des variations du spectre de raies en fonction de la sous-partie de la molécule sondée. En d’autres termes, l’empreinte spectrale change en fonction du groupement d’atomes considéré. Ces travaux ont été publiés dans Physical Review Letters.

Pour cela, ils ont utilisé un microscope à effet tunnel, un instrument qui se compose d’une pointe effilée qui sert de sonde et qui balaye ligne après ligne une surface afin d’en déterminer sa topographie à l’échelle atomique. L’excitation de la molécule est induite par l’absorption de l’énergie des électrons et la molécule se désexcite en émettant de la fluorescence mesurée par un spectromètre de haute sensibilité. Compte-tenu de la faiblesse des signaux, les chercheurs travaillent sous ultra-vide et à température de l’Hélium liquide. Les variations du spectre optique en fonction du positionnement fin de la pointe par rapport à la molécule sont enregistrées permettant de tracer une carte des spectres en fonction du point d’excitation sur la molécule. L’intensité des raies présente des variations selon la zone de la molécule sondée, et selon l’origine de la raie considérée. En effet, chaque raie correspond à un mode de vibration de la molécule bien déterminé. L’étude montre que les raies associées à des modes de même symétrie présentent des dépendances spatiales identiques. L’étape ultime de ce travail consiste en la réalisation de cartes montrant la variation spatiale de l’intensité d’émission de différentes raies (cf. figure). L’interprétation fine des structures observées au sein de ces cartes nécessitera la mise en place de nouveaux modèles théoriques. Cette expérience ouvre la voie à une nouvelle forme de nano-spectroscopie optique permettant de voir directement au cœur des molécules, un concept nouveau qui bouscule notre compréhension de ce qu’est le spectre de fluorescence d’une molécule.

Image retirée.
a) Le courant tunnel (points blanc) agit comme une source d’excitation ponctuelle d’un spectre de fluorescence de raie d’une molécule. (b) Cartographie optique de modes de haute et basse symétrie d’un groupement de trois molécules.

 

En savoir plus

Vibronic spectroscopy with sub-molecular resolution from STM-induced electroluminescence 
B. Doppagne, M. C. Chong, E. Lorchat, S. Berciaud, M. Romeo, H. Bulou, AL. Boeglin, F. Scheurer et G. Schull 
Physical Review Letters (2017), doi:10.1103/PhysRevLett.118.127401

 

Informations complémentaires

Institut de physique et chimie des matériaux de Strasbourg (IPCMS, CNRS/Univ. Strasbourg)

Contact

Guillaume Schull
Directeur de recherche CNRS, Institut de physique et chimie des matériaux de Strasbourg (IPCMS)
Marine Charlet-Lambert
Chargée de communication
Communication CNRS Physique