Deux mécanismes sont responsables du vieillissement des verres métalliques

Résultat scientifique

Deux physiciennes viennent pour la première fois d’expliquer l’origine des différents régimes de vieillissement à l’échelle atomique dans des verres métalliques en démontrant l’existence de deux mécanismes : l’un, rapide, qui homogénéise la densité du matériau, et l’autre, qui réarrange les atomes afin de réduire le désordre dans le verre.

Élaborés en solidifiant un alliage liquide par un refroidissement très rapide, les verres métalliques sont bien plus élastiques et mécaniquement résistants que leurs homologues cristallins, produits lors d’une solidification lente. Leur utilisation reste toutefois limitée car leur structure, qui ne correspond pas à une situation d’équilibre, est sujette au vieillissement. Cela se traduit par une dégradation progressive de leurs propriétés mécaniques. A l’échelle atomique, on observe une stabilisation rapide de la relaxation structurale du verre. A l’échelle macroscopique en revanche, les propriétés mécaniques continuent à évoluer. Deux physiciennes de l’ILM (CNRS/Univ. Lyon 1) et de l’ESRF-The European Synchrotron viennent d’expliquer cet apparent paradoxe en démontrant la co-existence de deux mécanismes à l’échelle atomique. Le premier, dominant dans les premiers instants, est associé à des déplacements d’atomes qui homogénéisent la densité atomique et suppriment les contraintes mécaniques résiduelles. Le second, persistant sur le long terme, correspond à des réorganisations qui augmentent l’ordre du matériau à moyenne échelle. Pour obtenir ce résultat, les physiciennes ont combiné une étude de l’évolution structurale au niveau atomique par diffraction des rayons X et l’analyse de la dynamique atomique par spectroscopie de corrélation des photons des rayons X. Ce travail est publié dans la revue Nature Communications.

Pour ce travail, les physiciennes ont étudié des échantillons d’un verre métallique à base de palladium (Pd77Si16.5Cu6.5) élaboré en projetant l’alliage liquide fondu sur un cylindre de cuivre refroidi tournant à grande vitesse. A une vitesse dépassant les 10 000 degrés par seconde, le refroidissement gèle la position des atomes avant qu’ils ne se réorganisent en cristal et conduit à la formation d’un ruban de verre métallique épais de 30 micromètres. A l’aide des instruments de l’ESRF, les physiciennes ont mesuré l’évolution au cours du temps de la relaxation due aux réarrangements atomiques locaux à l’échelle atomique ainsi que l’évolution de la structure de ce composé. Les mesures ont été répétées à six températures différentes s’échelonnant entre l’ambiante et 240 °C, soit bien en-dessous de la température de transition vitreuse à laquelle le verre, solide, se ramollit pour prendre une consistance caoutchouteuse (340 °C). Cela a permis aux chercheuses de montrer l’existence de deux mécanismes de réarrangements atomiques. Le premier mécanisme est piloté par les contraintes mécaniques internes dues à la trempe rapide du verre et conduit à une homogénéisation de la densité atomique locale. Ce processus est très efficace pour réduire les contraintes mécaniques. Il n’est donc important qu’aux tous premiers instants, lorsque les contraintes sont encore importantes. Une fois la densité homogénéisée, un second mécanisme prend le relai : des réarrangements atomiques ordonnent les atomes à moyenne échelle. C’est le début d’une évolution très progressive de la structure aléatoire du verre vers la structure plus ordonnée d’un cristal. En réduisant progressivement le désordre dans le verre, ce deuxième mécanisme est responsable du fait que le vieillissement à l’échelle macroscopique continue. Il pourrait même s’accompagner d’une transition du matériau de l’état ductile (se déforme sans se casser) à l’état fragile (casse avant de se déformer). Quand ce mécanisme devient plus important, il correspond aux premières signatures de cristallisation à l’échelle microscopique, qui se manifestent à des températures beaucoup plus basses que la température de transition vitreuse – ou cristallisation – mesurées par calorimétrie.

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Les deux régimes de vieillissement microscopique expliqués. (Haut) le vieillissement rapide : les propriétés macroscopiques changent (durcissement) ainsi que les configurations microscopiques, qui portent à une augmentation de la densité. (Bas) le régime stationnaire : les propriétés macroscopiques changent encore tandis que les réarrangements atomiques sont tels que la densité moyenne ne change plus.

 

 

En savoir plus

Unveiling the structural arrangements responsible for the atomic dynamics in metallic glasses under physical aging 
V. M. Giordano1 et B. Ruta2 
Nature Communications, le 20 janvier 2016, DOI:10.1038/ncomms10344

 

Informations complémentaires

1 Institut Lumière Matière (ILM) 
2 ESRF-The European Synchrotron

Contact

Valentina Giordano
Chercheuse CNRS, Institut lumière matière (ILM)
Jean-Michel Courty
Chargé de mission institut
Marine Charlet-Lambert
Chargée de communication
Communication CNRS Physique