La brisure de symétrie de la récurrence de Fermi-Pasta-Ulam enfin observée

Résultat scientifique Optique et métrologie Physique non linéaire

Des physiciens viennent pour la première fois de mesurer plusieurs récurrences de Fermi-Pasta-Ulam successives en étudiant la propagation d’impulsions lumineuses dans une fibre optique dont l’absorption avait été artificiellement éliminée. Ceci leur a permis d’étudier la dynamique de ce phénomène et notamment d’observer l’apparition d’une brisure spontanée de symétrie.]

Dans un système présentant de très grands nombres de degrés de liberté interagissant entre eux de manière non linéaire, l’énergie se répartit habituellement de manière égale dans tous les degrés de liberté. Toutefois comme l’ont découvert en 1953 les physiciens E. Fermi, J. Pasta et S. Ulam, dans des certains cas, le système revient périodiquement dans son état initial. Ce phénomène est aujourd’hui connu sous le nom de récurrence de Fermi-Pasta-Ulam. Cette récurrence initialement observée dans le cadre de simulations numériques est maintenant bien comprise de manière théorique.

Son observation expérimentale, effectuée sur des systèmes physiques très variés reste toutefois incomplète. Seule la première récurrence avait jusqu’à présent été détectée, les suivantes se trouvant annihilées par la dissipation. Si ces observations suffisent à démontrer l’existence du phénomène de récurrence dans des systèmes physiques réels, elles ne permettent pas de tester la dynamique riche et complexe qui peut naitre lors des récurrences suivantes.

En supprimant artificiellement la dissipation, des physiciens du Laboratoire physique des lasers, atomes et molécules (CNRS/Univ. Lille), en partenariat avec le département d’ingénierie de l’Université de Ferrara (Italie), viennent pour la première fois de mesurer plusieurs récurrences successives lors de la propagation d’impulsions lumineuses dans une fibre optique. En outre, ils ont observé un phénomène de brisure spontanée de symétrie en détectant deux types de récurrences caractérisées par la présence ou l’absence d’un décalage de phase des récurrences paires par rapport aux récurrences impaires. Ce travail est publié dans la revue Nature Photonic et ouvre de nouvelles perspectives pour la compréhension fine de phénomènes tels que les vagues scélérates dans les océans.

Pour étudier le phénomène de récurrence, les chercheurs ont mesuré la propagation d’impulsions lumineuses intenses dans une fibre optique. Habituellement, la dispersion optique élargit les impulsions jusqu’à ce qu’elles disparaissent. Toutefois, lorsque l’intensité lumineuse est suffisante, des effets non linéaires peuvent conduire une refocalisation temporelle conduisant à la reconstitution de l’impulsion initiale. La présence de perte lors de la propagation interdit toutefois d’observer plus d’une récurrence.

Pour réaliser ce travail, les chercheurs ont donc dû relever deux défis : éliminer les pertes lors de la propagation dans la fibre et cartographier l’amplitude de l’onde lumineuse, c’est-à-dire mesurer non seulement son intensité, mais aussi sa phase, et ce, sur toute la longueur de la fibre.

Pour éliminer les pertes, les physiciens ont exploité le phénomène d’amplification Raman. Un second faisceau laser, légèrement décalé en fréquence par rapport au faisceau étudié est envoyé simultanément dans la fibre. Le gain optique obtenu compense alors les pertes sur près de 8 km de fibre, soit 2,5 fois la longueur parcourue lors d’une récurrence. Le système de détection repose sur la mesure hétérodyne de l’amplitude et de la phase de la lumière rétrodiffusée par les impuretés présentes dans la fibre optique. C’est ce qui a permis de mesurer deux types de comportements. Soit le système revient exactement dans son état initial, le phénomène de récurrence de base, soit les maxima se transforment en minima et vice versa, et on observe donc une brisure de la symétrie de la récurrence de Fermi-Pasta-Ulam.

Ce travail ouvre de nouvelles perspectives dans ce domaine de recherche fondamentale, jusqu’à présent limité aux mesures d’intensité.

 

Image retirée.
Cartographie de l’intensité lumineuse en fonction de la position z et du temps t. A gauche, récurrence de Fermi Pasta Ulam classique ; à droite, phase, avec une brisure de symétrie
© PhLAM (CNRS/Univ. Lille)

 

En savoir plus

Fibre multi-wave mixing combs reveal the broken symmetry of Fermi– Pasta–Ulam recurrence 
A. Mussot, C. Naveau, M. Conforti, A. Kudlinski, F. Copie, P. Szriftgiser et S. Trillo 
Nature Photonics (2018), doi:10.1038/s41566-018-0136-1

 

Informations complémentaires

Laboratoire de physique des lasers, atomes et molécules (PhLAM, CNRS/Univ. Lille)

Contact

Arnaud Mussot
Enseignant-chercheur Université de Lille, Physique des lasers, atomes et molécules (PhLAM)
Communication CNRS Physique