La réfraction d'atomes pour mesurer les forces attractives vers une surface

Résultat scientifique

Tels les rayons lumineux dans un milieu matériel, les faisceaux d'atomes peuvent être réfractés et diffractés sur une surface. A l'aide d'une nouvelle méthode qui accélère très significativement les calculs de dynamique quantique, les physiciens démontrent une approche inédite pour déterminer avec précision le potentiel d'interaction entre atome et surface, qui exploite la réfraction et la diffraction d'atomes.

L'interaction dite de Van der Waals est une interaction faible qui s'exerce par exemple entre deux atomes ou entre un atome et une surface et qui peut contribuer à l'existence de configurations stables avec un minimum de potentiel de faible énergie (quelques meV). Dans le cas d'un atome et d'une surface, ce minimum correspond au phénomène de physisorption de l'atome sur la surface. Bien que faible, cette interaction a une importance cruciale car elle gouverne les premières étapes de l'interaction d'un gaz avec une surface, et donc de la réactivité qui peut prendre place ultérieurement. Cette interaction longue portée représente un défi aussi bien pour les expériences, qui sont en nombre limité et qui sont réalisées avec des atomes légers tels que l'hélium, que pour les modèles théoriques, qui nécessitent des calculs très longs et qui s’intéressent surtout aux atomes plus lourds.

En partant de la technique GIFAD (Grazing Incidence Fast Atoms Diffraction) découverte à l'Institut des sciences moléculaires d'Orsay (ISMO, CNRS/Univ Paris-Saclay) dans laquelle des atomes rapides en incidence rasante diffractent sur une surface, les physiciens de l'ISMO ont développé ici une nouvelle manière de mesurer les forces de physisorption. Utilisant pour la première fois des faisceaux d'atomes de néon diffractant sur une surface de de fluorure de lithium (LiF), ils ont étudié avec précision l'évolution avec l'énergie des atomes d'un grand nombre de pics de diffraction. Grâce à une nouvelle approche du calcul du potentiel d'interaction dans la modélisation de la diffusion des atomes par la surface, un facteur 100 en temps de calcul a été gagné et la profondeur du puits de physisorption a ainsi été déterminée avec précision par un ajustement efficace sur les données expérimentales. Ces résultats sont publiés dans la revue Journal of Physical Chemistry Letters.

Des atomes de néon rapides (d'énergie entre 300 eV et 3 keV) arrivent sur la surface de LiF sous incidence rasante (moins de 1°) de telle sorte que leur vitesse parallèle à la surface soit le long de rangées atomiques définies. En raison de l'incidence très rasante, l'énergie contenue dans le mouvement perpendiculaire à la surface n'est que de quelques dizaines de meV. L'ondulation de potentiel créée par les rangées atomiques diffuse cette composante perpendiculaire de la vitesse. L'angle de déflection maximum, où la majorité des atomes sont diffusés, est simple à mesurer : il correspond à un effet dit arc-en-ciel par analogie avec l'optique (figure). Comme cette ondulation est périodique, les interférences entre les atomes diffusés par les différentes rangées qui conduisent à la structuration de l'intensité diffusée par des pics de diffraction. En utilisant le néon plutôt que l'hélium, on augmente la masse des atomes incidents et on diminue leur longueur d'onde, ce qui permet de collecter de nombreux pics de diffraction. En faisant varier l'énergie des atomes, les physiciens ont ainsi observé pour la première fois une augmentation de l'angle de déflection avec la diminution de cette énergie (figure). Cette réfraction est due aux forces qui attirent les atomes vers la surface. En optimisant des calculs de dynamique quantique avec une nouvelle méthode pour développer les potentiels dans l’espace réciproque (de Fourier), ils ont déterminé une profondeur pour le puits de physisorption de 10.4 meV.

En raison de la précision et de l'efficacité de l'ajustement théorie – expérience, ces résultats constituent une nouvelle référence pour la détermination de surfaces de potentiel dans le domaine des interactions faibles de van der Waals, un défi depuis toujours dans le domaine de l'interaction entre atomes et surfaces.

 

roncin2020
a) Dans le plan perpendiculaire aux rangées atomiques, l’ondulation de la surface sert de réseau de diffraction pour l’onde atomique de néon (F- en bleu, Li+ en rose).
b) Evolution du diagramme de diffraction pour un angle d’incidence fixe (qin = 0,42°) et une énergie totale entre 0.3 et 3 keV. A faible énergie, l'atome quittant la surface devient sensible aux forces attractives et son angle d’observation (a) augmente sensiblement. La courbe pointillée bleue est un modèle optique de réfraction.

 

Référence

Refraction of Fast Ne Atoms in the Attractive Well of a LiF(001) Surface. M. Debiossac, P. Roncin, et A. G. Borisov, Journal of Physical Chemistry Letters, paru le 18 Mai 2020.
DOI: 10.1021/acs.jpclett.0c01157

Article disponible sur la base d’archives ouvertes arXiv.

Contact

Philippe Roncin
Directeur de recherche au CNRS, Institut des sciences moléculaires d'Orsay
Communication CNRS Physique