Le synchrotron mis à profit pour sonder les atomes actifs dans une jonction tunnel magnétique

Résultat scientifique

Des physiciens ont réussi une première mondiale en mesurant la conduction électrique d’une cellule mémoire magnétique en fonctionnement lorsque celle-ci est exposée au rayonnement synchrotron.

Grâce à la brillance du rayon synchrotron, la science des matériaux est aujourd’hui capable de réaliser une spectroscopie poussée de matériaux complexes. Cependant, une telle étude ne renseigne pas toujours de manière pertinente sur le fonctionnement de dispositifs façonnés à partir de ces matériaux. De plus, tester les performances d’un dispositif tandis que l’on explore un espace de paramètres en science des matériaux potentiellement très vaste représente une méthodologie de recherche longue, qui présume un lien de causalité entre la modification de propriétés de matériaux et la performance du dispositif.

C’est un changement de paradigme concernant ce lien de causalité qu’ont proposé les physiciens des laboratoires IPCMS (Strasbourg), Institut Jean Lamour (Nancy) et du synchrotron SOLEIL, en réalisant l’exploit de sonder, en fonctionnement, une mémoire magnétique à accès aléatoire (STTMRAM). Celle-ci constitue une des briques élémentaires des ordinateurs de prochaine génération. Pour cela, ils ont irradié à l’aide de l’émission de rayons X provenant du synchrotron une cellule mémoire magnétique en fonctionnement tout en mesurant la conduction électrique à travers la jonction. Cette combinaison de mesures inédites et in operando a permis, à l’échelle de la liaison Fer/Oxygène, de faire la lumière sur l’impact qu’ont les inhomogénéités de courant et les interfaces sur le transport tunnel polarisé en spin. Ces travaux représentent un cas extrême : celui de sonder les propriétés d’un nombre très restreint d’atomes qui régissent l’opération et la performance d’un dispositif à l’état solide. En effet, la spectroscopie d’absorption de rayons X avec la brillance d’un rayonnement synchrotron permet d’étudier les propriétés électroniques d’espèces atomiques précises diluées au sein d’une hétérostructure. Séparément, les défauts structurels au sein de la barrière diélectrique d’une jonction tunnel magnétique canalisent, à l’échelle nanoscopique, le transport et ainsi la performance de ce dispositif. Selon une technique operando conventionnelle, après avoir opéré le dispositif, celui-ci est éteint et l’on sonde alors les propriétés de tous les atomes du dispositif. L’étude publiée dans Advanced Materials décrit une nouvelle technique operando dans laquelle la caractérisation s’effectue en étudiant le courant qui traverse le dispositif. Ceci focalise la technique de caractérisation sur les seuls atomes qui contribuent à l’opération et à la performance du dispositif, ce qui accélère le développement de dispositifs comprenant des matériaux novateurs, tant bien aux échelles académique qu’industrielle.

Une première difficulté majeure fut la mise en place d’un environnement de mesures électriques adéquat au synchrotron SOLEIL afin de mesurer ces dispositifs électrostatiquement fragiles en s’affranchissant des interférences électromagnétiques environnantes. La difficulté expérimentale principale fut ensuite d’isoler, au sein du courant traversant le dispositif, l’impact de l’absorption des photons X sur le transport tunnel impliquant les atomes d’oxygène de la barrière tunnel de MgO. En effet, ce rayonnement X induit sur ce dispositif un photocourant dont il faut s’affranchir.

Ces résultats ouvrent de nombreuses perspectives, aussi bien pour mener des études fondamentales que des études à visées plus appliquées (cellules solaires, transistors MOS, stockage de l’énergie). Les grands instruments de recherche tels que les synchrotrons pourraient ainsi permettre aux industriels de mieux comprendre le fonctionnement de leurs dispositifs et accélérer leur processus de recherche et développement. Cette démonstration est d’autant plus pertinente pour les acteurs industriels qu’elle a été réalisée sur une classe de dispositifs qui est déjà commercialisée pour lire et écrire le contenu des cellules mémoires magnétiques.

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© Daniel Lacour/CNRS

 

En savoir plus

Probing a device’s active atoms 
M. Studniarek, U. Halisdemir, F. Schleicher, B. Taudul, E. Urbain, M. Hervé, C.H. Lambert, A. Hamadeh, S. Petit-Watelot, O. Zill, D. Lacour, S. Boukari, L. Joly, F. Scheurer, G. Schmerber, V. Da Costa, A. Dixit, P.A. Guitard, M. Acosta, F. Leduc, F. Choueikani, E. Otero, W. Wulfhekel, F. Montaigne, E. Nahuel Monteblanco, J. Arabski, P. Ohresser, E. Beaurepaire, W. Weber, M. Alouani, M. Hehn, M. Bowen 
Advanced Material (2017), doi:10.1002/adma.201606578

Synchrotron SOLEIL (CNRS/CEA) 
Institut de physique et chimie des matériaux de Strasbourg (IPCMS, CNRS/Univ. Strasbourg) 
Institut Jean Lamour (IJL, CNRS/Univ. Lorraine)

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Communication CNRS Physique