Observer la « piézo-résistance géante » dans un nanocristal de silicium

Résultat scientifique Nanosciences

Grâce à une utilisation originale de la spectroscopie d'impédance, des chercheurs ont mis en évidence l'origine de la grande variabilité de résistance électrique d'une plaquette commerciale de silicium-surisolant, lorsqu'elle est soumise à une contrainte mécanique.

L’industrie micro-électronique cherche en permanence à améliorer les performances des circuits intégrés. La réduction de la taille des dispositifs jusqu’à l’échelle nanométrique, ainsi que la contrainte mécanique constituent les approches les plus utilisées. La contrainte mécanique permet de modifier la résistance électrique des cristaux parfaits du silicium, un effet physique appelé « piézo-résistance » qui est à la base des technologies dites « strained silicon », où les atomes de silicium sont serrés en deçà de la distance interatomique normale.

Depuis quelques années est apparue dans la littérature scientifique une grande variété d’effets piézo-résistifs contradictoires dans les nanodispositifs en silicium. Certains groupes prétendent que la piézo-résistance du nanosilicium peut être bien plus importante que celle du « strained silicon » habituel, d’autres, majoritaires, affirment qu’elle reste comparable. L’origine et l’existence même d’un tel effet géant de piézo-résistance était donc sur la sellette.

En utilisant une technique expérimentale plus communément employée par les électro-chimistes, la spectroscopie d’impédance, les physiciens du laboratoire Physique de la matière condensée (LPMC, CNRS/Ecole Polytechnique) et de l’Institut d’électronique, de microélectronique et de nanotechnologie (IEMN, CNRS/ISEN Lille, Univ. Polytechnique Hauts-de-France/Ecole Centrale de Lille/Univ. Lille) en France, et de l’université de Melbourne en Australie ont mis en lumière un effet géant de piézo-résistance dans une couche ultra-mince de silicium.

La spectroscopie d’impédance permet de mesurer l’impédance électrique sur une large gamme de fréquences, ce qui a constitué un élément clé de cette découverte. Cela revient en effet à injecter dans le silicium ultramince des trous libres qui parcourent l’échantillon dans un temps plus ou moins long (selon la fréquence de mesure) par rapport à un temps caractéristique du matériau ; le temps de piégeage de ces trous sur des défauts cristallins de surface. L’observation clé des chercheurs est que la piézo-résistance géante, là où la contrainte mécanique modifie considérablement la résistance de la plaquette, n’apparaît que quand le temps de parcours des trous est comparable au temps de piégeage, c’est-à-dire pour des fréquences intermédiaires. Pour des fréquences plus basses, comme pour celles plus élevées, l’effet géant est absent. Ceci suggère qu’une modification du temps de piégeage induite par la contrainte mécanique est à l’origine de l’effet. Grâce à la spectroscopie d’impédance, l’ensemble des effets piézo-résistifs revendiqués dans un large éventail de nano-objets en silicium ont donc été observés dans une seule plaquette commerciale.

Ce résultat apporte un point de vue nouveau dans le débat sur la piézo-résistance du nano-silicium et du fait qu’il est observé dans une plaquette commerciale, ouvre la voie au développement de technologies des défauts sous contraintes pour des applications telles que les nano-capteurs de contrainte ultra-sensibles, les diodes à commutation rapide ou les protocoles de lecture électrique pour les technologies quantiques.

Illustration
Hors de contrainte (à gauche) une partie des trous est piégée sur des états associés avec des défauts cristallins
à la surface de l'objet en silicium (flèche orange). En pliant le substrat (à droite), pour lui appliquer une
contrainte, le piégeage est partiellement éteint, ce qui augmente considérablement le nombre de trous dans la
bande (vb), réduisant ainsi fortement la résistance électrique (flèche jaune). © LPMC (CNRS/X)

 

Référence

Giant, anomalous piezoimpedance in silicon-on-insulator, H. Li, C.T.K. Lew, B.C. Johnson, J.C. McCallum, S. Arscott et A.C.H. Rowe, Physical Review Applied, le 3 avril 2019.
DOI:10.1103/PhysRevApplied.11.044010

Contact

Alistair Rowe
Chercheur CNRS au LPMC
Communication CNRS Physique