Quand les contacts entre cellules rendent leur déplacement plus efficace

Résultat scientifique

On sait depuis un demi-siècle et les travaux d’Abercombie (1953) que les contacts entre cellules peuvent inhiber leur migration. En étudiant l’étalement d’une colonie, une équipe de biophysiciens vient de montrer que les contacts peuvent au contraire accélérer leurs déplacements.

 

Qu’est-ce qui régit le déplacement d’un groupe de cellules ? Cette question reste une préoccupation majeure pour nombre de biophysiciens, biologistes et médecins. L’étalement d’une population cellulaire initialement localisée est crucial pour de nombreux phénomènes allant de la morphogenèse à la dissémination des cellules cancéreuses.

Depuis la découverte d’Abercrombie, un panorama assez complet des mécanismes physiques et moléculaires mis en jeu dans l’inhibition de contact a été mis en lumière. Cependant, cela ne concerne que des populations de cellules très cohésives. Le cas des cellules peu cohésives à moindre densité a été très peu étudié. C’est pourtant celui que l’on retrouve dans la dispersion des cellules métastatiques, dans le déploiement des cellules immunitaires ou encore dans la propagation des microbes.

Des chercheurs de l’Institut Lumière Matière (CNRS, Univ. Lyon 1), se sont penchés sur ce cas. De façon surprenante, ils ont observé que ce sont les colonies les plus denses qui s’étalent le plus rapidement. Ils ont ensuite mis au jour le mécanisme sous-jacent : les contacts transitoires entre cellules augmentent durablement leur vitesse et l’efficacité de leur déplacement (leur persistance), ce qui, à l’échelle de la population, accélère la dispersion de la colonie. Ces travaux, publiés dans la revue Nature Physics, représentent une avancée fondamentale pour la compréhension de la motilité cellulaire. En soulignant l’importance des interactions passées dans l’état interne des cellules, ils soulèvent aussi de nouvelles questions en « matière active », ce champ récent de la physique statistique qui décrit les effets collectifs de particules autopropulsées.

Pour parvenir à ces résultats, les chercheurs ont utilisé un organisme modèle : l’amibe Dictyostelium Discoideum. Grâce à une méthode de micro-pochoirs, ils ont créé des micro-colonies de cellules à différentes densités (de 30 à 300 cellules). Puis, en suivant les trajectoires individuelles de cellules, ils ont quantifié l’évolution de la migration au cours de l’étalement des colonies. En isolant, à partir de l’ensemble des trajectoires obtenues, les événements de contacts, ils ont pu mettre en évidence une augmentation transitoire de la vitesse et de la persistance du mouvement après chaque collision cellulaire.

Pour décrire ce phénomène, les cellules sont modélisées par des marcheurs aléatoires bimodaux : d’un état de base à faible persistance, les particules passent temporairement dans un état à persistance élevée après une collision. Lorsque la densité est plus élevée, la fréquence des contacts augmente, et avec elle la proportion de particules très persistantes, accélérant ainsi l’étalement de la colonie. Malgré sa simplicité, ce modèle est en très bon accord avec les données expérimentales et démontre le rôle clef de cet effet de collision, dont la particularité est de perdurer même après la fin du contact dont il découle.

Image retirée.
a) Illustration du principe de micro-pochoirs (diamètre 320 μm) pour confiner initialement les cellules dans des micro-colonies. b) étalement de la colonie après 150 min pour un nombre initiale de cellules de 35 (bleu, à gauche) ou 246 (rouge, à droite).

 

En savoir plus

Contact enhancement of locomotion in spreading cell colonies 
J. d’Alessandro, A. P. Solon, Y. Hayakawa, C. Anjard, F. Detcheverry, J.-P. Rieu et C. Rivière 
Nature Physics (2017), doi:10.1038/nphys4180

 

Informations complémentaires

Institut Lumière Matière (iLM, CNRS/Univ. Lyon 1)

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