Un contrôle des paquets d’électrons dans les synchrotrons pour un rayonnement térahertz intense et stable

Résultat scientifique Instrumentation Optique et métrologie

Dans les synchrotrons, des paquets d'électrons circulant en anneau émettent des rayonnements qui sont très largement utilisés pour sonder la matière. Lorsque ces paquets comprennent beaucoup d’électrons et deviennent instables, ils émettent un rayonnement térahertz cohérent particulièrement intense, mais trop irrégulier pour être utilisé. Grâce à des techniques inspirées des méthodes du contrôle du chaos, le rayonnement térahertz cohérent peut cependant être stabilisé.

Les synchrotrons produisent des rayonnements sur une très large gamme spectrale : du térahertz jusqu’aux rayons X durs. Ces rayonnements sont émis par des paquets d’électrons relativistes, dont la vitesse est très proche de celle de la lumière. Les électrons d’un paquet sont en constante interaction, entre eux et avec leur rayonnement et leur environnement, et, à partir d’un certain nombre, l’augmentation de ces interactions pousse systématiquement les électrons à se regrouper en petits ensembles au sein du paquet, formant des microstructures instables (phénomène dit de microbunching). À la longueur d’onde de ces microstructures, leur rayonnement devient alors cohérent : les ondes émises par les différents électrons dans les différents micro-paquets sont en phase les unes par rapport aux autres. Dans cet état, le rayonnement térahertz obtenu est typiquement 10 000 à 100 000 fois plus intense que le rayonnement térahertz classique, incohérent. En effet, la puissance d’un rayonnement incohérent est proportionnelle au nombre d’électrons dans le paquet tandis que, pour un rayonnement cohérent, elle est proportionnelle au carré de ce nombre. Ce rayonnement cohérent est malheureusement émis habituellement sous forme de bouffées erratiques, ce qui le rend trop irrégulier pour profiter de sa puissance exceptionnelle.


Des chercheurs du laboratoire Physique des lasers, atomes et molécules (PhLAM, CNRS/Université de Lille) et du synchrotron SOLEIL ont cependant stabilisé un rayonnement térahertz cohérent. Ces travaux, publiés dans Nature Physics, reposent sur une boucle de rétroaction. Dans un synchrotron, les paquets d’électrons tournent en effet dans un anneau et émettent un rayonnement qui leur fait perdre de l’énergie. Celle-ci leur est restituée sous forme électromagnétique par des cavités radiofréquences. Les chercheurs jouent alors sur ce signal, réinjecté et recalculé à chaque tour d’anneau, pour maintenir les paquets d’électrons dans des états où ils émettent un rayonnement térahertz cohérent (figure). Résultat, le rayonnement gagne enfin la régularité qui lui faisait défaut grâce à une opération qui consomme très peu d’énergie. Cette solution fonctionne pour l’instant sur une plage de courants, c’est-à-dire un nombre d’électrons dans le paquet, réduite. Les chercheurs comptent bien l’étendre afin, à terme, de pouvoir pleinement utiliser ce rayonnement cohérent, par exemple pour de mesures de spectroscopie haute résolution.

 

Image EVAIN 2019
a) Vue aérienne du synchrotron SOLEIL (crédit : CAVOK Production - Laurent PERSIN). b) émission d’une
impulsion térahertz cohérente par un paquet d’électrons dans un anneau de stockage, due à la présence de
microstructures. Ce rayonnement térahertz intense apparaît généralement sous la forme de bouffées. c) Signaux
térahertz avant et pendant l’utilisation d’une boucle de rétroaction.

 

Référence

Stable coherent terahertz synchrotron radiation from controlled relativistic electron bunches,

Evain C., Szwaj C., Roussel E., Rodriguez J., Le Parquier M., Tordeux M.A., Ribeiro F., Labat M., Hubert N., Brubach J.B., Roy P., Bielawski S., Nature Physics, le 8 avril 2019. DOI: 10.1038/s41567-019-0488-6

Lire l’article sur les bases d’archives ouvertes HAL et arXiv.

Contact

Clément Evain
Enseignant-chercheur au PhLAM
Communication CNRS Physique