Un nouveau modèle pour expliquer les modulations lumineuses des décharges plasma

Résultat scientifique

Dans certains cas, le gaz ionisé des plasmas émet une lumière dont les modulations spatiales révèlent une auto-organisation remarquable. Grâce à la modélisation, des physiciens ont découvert que ce sont des effets faibles et contre-intuitifs de diffusion inverse qui génèrent cette auto-organisation du plasma.

La création d’un plasma, un gaz ionisé constitué d’ions, d’électrons et de gaz neutre, est souvent réalisée en accélérant les électrons dans un champ électrique continu (décharges continues) ou alternatif, dans le domaine radiofréquence (décharges RF). Les collisions des électrons accélérés avec le gaz conduisent non seulement à des réactions d’ionisation qui entretiennent le plasma, mais aussi à des réactions d'excitation du gaz neutre qui conduisent à une émission lumineuse du plasma. Des modulations régulières de l'intensité lumineuse émise ont été observées dès le début du XIXème siècle dans des décharges continues, et interprétées comme une auto-organisation découlant d'instabilités d'ionisation. Des modulations analogues ont aussi été observées depuis le milieu du XXème siècle dans des décharges RF, mais dont l'origine restait mystérieuse. Alors qu'ils développaient une nouvelle décharge RF avec une géométrie annulaire inédite, des physiciens du Laboratoire de physique à Lyon (LPENSL, CNRS/ENS de Lyon/Univ. Lyon1) et du Laboratoire de physique des plasmas à Palaiseau (LPP, CNRS/École polytechnique/Sorbonne Université) ont observé des modulations d'intensité spectaculaires variant en fonction de la pression (figure). Ils ont réussi à rendre compte de ce phénomène en partant d'un modèle fluide simple décrivant la diffusion dans le plasma et en calculant, avec un modèle cinétique, les termes intervenant dans le modèle fluide. En comparant aux expériences, ils ont montré que les modulations d'intensité provenaient cette fois d'instabilités de transport, celles-ci étant dues à des termes souvent tenus pour négligeables dans les modélisations.
 
Le modèle fluide considère le plasma de façon macroscopique, à l'aide de deux équations bilans décrivant le transport des électrons et de l'énergie. Les termes principaux de ces équations sont les termes reliant le flux d'électrons et le gradient de densité électronique pour l'une, et le flux d'énergie et le gradient de température électronique pour l'autre (termes diagonaux). Les termes souvent négligés sont les termes croisés (nondiagonaux), reliant le flux d'électrons et le gradient de température électronique et réciproquement le flux d'énergie et le gradient de densité électronique. Ces termes peuvent être calculés par un modèle cinétique qui décrit le plasma de façon statistique, à l'aide de la fonction de distribution donnant la répartition des vitesses des électrons, et ils ont été ici spécifiquement calculés pour les conditions expérimentales de l'étude. Pour le gaz considéré, l'argon, et le domaine de pression entre 1 et 300 pascals, le plasma est hors équilibre thermodynamique et la distribution des vitesses des électrons n'est pas gaussienne. Dans ces conditions, les termes non-diagonaux peuvent devenir négatifs, conduisant à des mécanismes de diffusion inversée pour lesquels le flux d’énergie est orienté vers les zones de densités élevées. En présence de cette diffusion inversée, des petites variations de densités peuvent alors être renforcées, et les conditions de développement d’une instabilité pour la densité du plasma sont réunies, conduisant à l’apparition de modulations de la lumière émise par la décharge. Cette instabilité de transport explique un ensemble d’observations expérimentales obtenues sur une très large gamme de pression.
 
Ces travaux mettent en évidence un mécanisme d'instabilité de transport pouvant être à l’origine d’un phénomène de modulation lumineuse observé depuis plus de soixante-dix ans. Ce faisant, ils démontrent l’importance de termes cinétiques a priori non prépondérants dans les modèles fluides et dont les effets sont vraisemblablement encore insuffisamment explorés.

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Intensité de l’émission lumineuse du plasma dans une source radiofréquence annulaire pour des pressions augmentant de gauche à droite et de haut en bas (de 0.2 à 300 Pa). Des modulations périodiques dans la direction azimutale sont observées lorsque la pression augmente.     
© Laboratoire de physique (CNRS/ENS Lyon/Univ. Lyon 1)

Références

Pattern formation in low-pressure radio-frequency plasmas due to a transport instability. Victor Désangles, Jean-Luc Raimbault, Alexandre Poyé, Pascal Chabert et Nicolas Plihon. Physical Review Letters, 123 265001 (2019)
DOI: 10.1103/PhysRevLett.123.265001
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Contact

Nicolas Plihon
Directeur de recherche au CNRS, Laboratoire de physique de l’ENS de Lyon
Jean-luc Raimbault
Maître de conférences à l’Université Paris Saclay, Laboratoire de physique des plasmas
Communication CNRS Physique