Une nouvelle source laser pour la microscopie bicolore à grande profondeur

Résultat scientifique Instrumentation Optique et métrologie

Une nouvelle source laser permettant de visualiser en microscopie à trois photons simultanément des protéines fluorescentes vertes et rouges vient d’être développée. Les chercheurs ont appliqué cette approche pour la première fois à l’imagerie in vivo du cerveau de poisson adulte.

La microscopie dite « à deux photons », développée par les physiciens à partir des années 1990 est aujourd’hui largement utilisée en biologie. Elle permet d’imager des tissus biologiques vivants en 3 dimensions sans être perturbé par la lumière diffusée, et ce, jusqu’à quelques centaines de micromètres de profondeur.

Pour accroitre cette profondeur, une équipe de l’université de Cornell a récemment exploité le processus d’absorption à trois photons pour sonder les couches profondes du cortex cérébral de souris in vivo. La dissémination de cette nouvelle approche est freinée par l’absence de sources laser vraiment adaptées, et permettant de travailler simultanément avec au moins deux marqueurs fluorescents — un besoin crucial pour décrypter les interactions entre les structures d’un tissu.

Des physiciens du Laboratoire Charles Fabry (CNRS/IOGS/Université Paris- Sud) et du Laboratoire d’optique et biosciences (CNRS/Inserm/X) viennent de mettre au point une nouvelle source laser et un microscope dédiés à cette approche. Cette source laser émet deux faisceaux infrarouges optimisés pour la microscopie à trois photons et cible simultanément des protéines fluorescentes vertes et rouges (GFP/RFP).

Avec leurs collègues biologistes à l’Institut Pasteur et à l’Institut de la Vision, ils ont ainsi obtenu les premières images à trois photons 3P ‘en couleurs’ et démontré cette technique en imageant pour la première fois in vivo le tissu cérébral d’un poisson-zèbre adulte.

Cette microscopie à 3 photons ne remplace pas la microscopie à deux photons, mais va la compléter pour l’observation de zones profondes non accessibles. Le développement d’une imagerie bicolore avec cette approche ouvre de nombreuses perspectives pour l’étude des interactions cellulaires in situ. Ce travail est publié dans la revue Light : Science & Applications.

Pour ce travail, la stratégie choisie par les chercheurs a été de produire simultanément des impulsions laser ultrabrèves intenses à deux longueurs d’onde : 1,7 micromètre (μm) et 1,3 micromètre. Comme ces rayonnements se situent dans les deux principales fenêtres de transparence de l’eau dans le proche infrarouge, l’échauffement des tissus est minimal. Le faisceau à 1,7 μm permet alors de réaliser une excitation à 3 photons de chromophores rouges de type RFP, tandis que 1,3 μm permet d’adresser la protéine fluorescente verte GFP.

Pour parvenir à cette fin, la solution a été de concevoir un amplificateur paramétrique optique (OPA) à double sortie. La conception originale de cette source a permis d’atteindre des performances inédites et optimisées pour la microscopie à 3 photons, à savoir deux trains simultanés d’impulsions ultrabrèves (<70 fs) de forte énergie (μJ) et à haute cadence (1,2 MHz).

Un microscope a été construit pour fonctionner avec cette gamme d’excitation, permettant de détecter simultanément et séparément les cellules marquées en GFP et RFP. Un troisième canal détecte également la génération de troisième harmonique (THG), qui fournit une image morphologique complémentaire reposant sur ses propriétés optiques intrinsèques du tissu.

Les résultats montrent que lors de l’imagerie d’un milieu opaque et densément marqué, le confinement supérieur de l’excitation à 3 photons permet d’augmenter fortement le rapport signal à bruit en profondeur. Bien que la microscopie à 3 photons soit plus lente que la microscopie à 2 photons et mette en jeu un régime d’excitation plus délicat à utiliser sur du matériel vivant, le contraste des images enregistré à des profondeurs au-delà de 500 μm dans du tissu cérébral murin est nettement supérieur à celui de la microscopie à 2 photons.

L’optimisation en cours de cette nouvelle microscopie ouvre de nombreuses perspectives, notamment pour les neurosciences, la biologie du développement, et la recherche biomédicale. Ces aspects sont actuellement à l’étude.

 

En savoir plus

Dual-color deep-tissue three-photon microscopy with a multiband infrared laser 
K. Guesmi, L. Abdeladim, S. Tozer, P. Mahou, T. Kumamoto, K. Jurkus, P. Rigaud, K. Loulier, N. Dray, P. Georges, M. Hanna, J. Livet, W. Supatto, E. Beaurepaire, F. Druon 
Light : Science & Applications (2018), doi:10.1038/s41377-018-0012-2 
Lire l’article sur la base d’archives ouvertes HAL

 

Informations complémentaires

Laboratoire Charles Fabry (LCF, CNRS/IOGS/Université Paris-Sud) 
Laboratoire d’optique et biosciences, (LOB, CNRS/Inserm/Ecole Polytechnique) 
Institut de la vision, (CNRS/Inserm/Sorbonne Université) 
Bases génétiques, moléculaires et cellulaires du développement (CNRS/Institut Pasteur)

Contact

Emmanuel Beaurepaire
Directeur de recherche au CNRS, Laboratoire d’optique et biosciences
Communication CNRS Physique