Une vague élastique pour amplifier la photo-commutation ultra-rapide de matériaux

Résultat scientifique

Des physiciens ont découvert un nouveau processus augmentant la réponse à un flash laser d’un matériau photo-commutable par l’intermédiaire d’effets coopératifs élastiques.

Lorsqu’elles absorbent un photon, certaines molécules voient changer leurs propriétés optiques, magnétiques, ou même leur volume. D’une durée inférieure à une picoseconde, cette transformation se produit de la même manière que la molécule soit isolée en solution ou dans un solide. Toutefois, dans un solide soumis à une impulsion laser, le gonflement ultra-rapide d’un grand nombre de molécules se traduit par la génération d’une onde mécanique de déformation dans le matériau. Des physiciens de l’Institut de Physique de Rennes (IPR, CNRS/Univ. Rennes 1) viennent de montrer que le couplage élastique entre les molécules amplifie l’effet de l’impulsion laser lorsque suffisamment de molécules sont photo-excitées. Cette particularité du matériau cristallin conduit à la commutation d’un nombre bien plus grand de molécules que lorsque ces dernières sont isolées les unes des autres. La propagation de cette vague élastique induite par la lumière modifie aussi l’état magnétique, la résistivité ou encore la couleur des cristaux et ceci ouvre la voie à de nouveaux dispositifs photo-commutables ultra-rapides et moins énergivores. Ce travail est publié dans la revue Nature Materials.

Pour étudier ce phénomène, les physiciens ont utilisé des nanocristaux (300 nm) formés de molécules photomagnétiques synthétisées par des chimistes de l’Institut de Chimie Moléculaire et des Matériaux d’Orsay. Ils ont excité ces échantillons avec une impulsion laser femtoseconde qui initie la transformation synchronisée d’une partie des molécules. Dans le même temps, les chercheurs ont mesuré l’évolution temporelle de la quantité de molécules transformées en suivant l’absorption de l’échantillon à l’aide d’un second laser. Ces mesures montrent un effet de seuil suivant l’énergie de lumière excitant le cristal. Lorsque moins de 3 % des molécules sont transformées vers l’état magnétique de plus haut volume, elles relaxent rapidement vers leur état initial. Lorsque plus de 3 % des molécules sont excitées, la transformation du matériau s’auto-amplifie et le nombre de molécules transformées atteint plus de 30 %. Pour comprendre ce phénomène, les chercheurs de l’IPR et de Iasi (Roumanie) ont développé un modèle théorique prenant en compte les interactions élastiques entre molécules. Lorsqu’un photon transforme une molécule en augmentant son volume, celle-ci subit la pression des molécules voisines et revient rapidement à son état initial. Mais cette molécule dilatée exerce aussi une pression sur le réseau qui l’entoure. Quand suffisamment de molécules sont transformées simultanément avant d’avoir le temps de relaxer – ce qui n’est possible qu’avec un laser ultrabref – elles créent ensemble une pression négative prenant le dessus sur le réseau et le dilatant, ce qui entraine la transformation d’autres molécules vers l’état magnétique de plus haut volume. Ceci est particulièrement efficace dans un nanomatériau où l’expansion de volume se fait en moins d’une nanoseconde. Un photon transforme alors jusqu’à 5 molécules en moyenne. Autrement dit, il faut alors 5 fois moins d’énergie pour transformer une molécule. Le seuil de 3 % de molécules excitées correspond dans un cristal tridimensionnel à une molécule dans une boîte de 3×3×3. L’amplification commence donc quand la densité de molécules excitées est suffisamment élevée pour qu’elles puissent interagir sur des distances proches.

Ce nouveau processus de contrôle de matériaux par la lumière ouvre un vaste champ d’application dans le domaine de matériaux photo-actifs sensibles aux effets de volume.

Image retirée.
Expérience permettant d’étudier la transformation de nanocristaux à une excitation laser
femtoseconde (orange) à l’aide d’un autre laser (vert) mesurant l’évolution de son absorption.
© Kaksonen/CNRS Photothèque

 

 

En savoir plus

Elastically driven cooperative response of a molecular material impacted by a laser pulse
R. Bertoni, M. Lorenc, H. Cailleau, A. Tissot, J. Laisney, M-L. Boillot, L. Stoleriu, A. Stancu, C. Enachescu et E. Collet
Nature Materials, le 28 mars 2016.

Contact

Eric Collet
Enseignant-chercheur Université de Rennes, Institut de physique de Rennes (IPR)
Communication CNRS Physique

Contact

Eric Collet
Enseignant-chercheur Université de Rennes, Institut de physique de Rennes (IPR)
Jean-Michel Courty
Chargé de mission institut
Marine Charlet-Lambert
Chargée de communication
Communication CNRS Physique