Hommage à Maurice Kléman

Hommage

L’Institut de physique a appris avec tristesse le décès, le 29 janvier 2021, du physicien Maurice Kléman, directeur de recherche CNRS.

Ancien polytechnicien (promotion 1954), ingénieur au corps des Mines et physicien, Maurice Kléman a consacré l’intégralité de sa carrière à la recherche fondamentale en physique. Élève de Jacques Friedel, il a fait sa thèse à l'institut de la recherche sidérurgique (Irsid). Après une année au laboratoire de métallurgie d'Oxford, il a rejoint en 1969 le CNRS et le Laboratoire de physique des solides d'Orsay (LPS) où il a effectué avec son équipe des travaux mondialement reconnus sur les défauts topologiques dans les matériaux magnétiques, les cristaux liquides, les amorphes, les verres et les quasi-cristaux. Maurice Kléman a ensuite poursuivi sa carrière et ses activités au Laboratoire de minéralogie-cristallographie, aujourd’hui Institut de minéralogie, de physique des matériaux et de cosmochimie, (IMPMC, CNRS/MNHN/Sorbonne Université/IRD), à partir de 1992.

La physique des défauts, ce "lieu de la géométrie", est au cœur de l'œuvre que nous lègue Maurice Kléman. Il a travaillé sur les défauts dans de nombreuses organisations de la matière, textures de spins dans les ferromagnétiques, lignes de disinclinaisons dans les phases cristal liquides, systèmes à ordre orientationnel tels quasi-cristaux ou phases bleues, systèmes amorphes. Dans tous ces systèmes, il a permis des avancées significatives dans la compréhension des structures dont les propriétés optiques, magnétiques ou mécaniques sont toujours influencées par la présence de défauts. Ses recherches ont débuté par des travaux sur les matériaux magnétiques. Par exemple, dans les ferromagnétiques dits magnétostrictifs, Maurice Kléman et Michel Schlenker  ont, les premiers, su concevoir que les jonctions de parois magnétiques séparant des domaines d'aimantation uniforme étaient assimilables à des défauts topologiques appelés quasi-disinclinaisons ; sa démarche de mise en valeur des défauts topologiques qu'il avait ensuite appliquée dans le domaine des cristaux liquides a permis de franchir un pas important pour la compréhension des structures amorphes, lorsqu’il a montré avec Jean-François Sadoc comment un ordre dans un espace modèle abstrait, prenait une réalité dès que l’on y introduisait des défauts topologiques. Avec ses collaborateurs, il a bâti une théorie topologique des défauts. Son approche a été développée dans son ouvrage Points. Lignes. Parois. (1977, 1983 pour sa version anglaise) qui constitue la référence incontournable d’un grand nombre de physiciens s’intéressant aux défauts. Ces travaux sont ainsi revenus sur le devant de la scène à l’occasion du Prix Nobel de physique 2016, décerné à David Thouless, Duncan Haldane et Michael Kosterlitz, marquant le grand retour de l’approche topologique en matière condensée. L’école qu’il a initiée se développe brillamment de nos jours en matière molle, notamment dans le cadre des cristaux liquides où l’étude des défauts est en pleine expansion.

Ses travaux, aussi bien expérimentaux que théoriques, ont eu une résonance internationale importante et se sont concrétisés par de très nombreuses publications. Son éclectisme fut récompensé en 1975 par la médaille d'argent du CNRS et en 1980 par le prix Ricard de la Société française de physique.

L’Institut de Physique adresse toutes ses condoléances à sa famille et à ses proches.

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Communication CNRS Physique