Première génération contrôlée d'un gaz dense de solitons

Résultat scientifique

Des chercheurs sont parvenus à générer et mesurer les propriétés hydrodynamiques d'un gaz composé non pas de particules atomiques ou moléculaires mais de solitons, des ondes non-linéaires.

Un gaz est un grand ensemble de particules classiques ou quantiques en interaction, généralement décrit par des propriétés macroscopiques comme la pression ou la température. Les solitons sont des ondes d'une amplitude suffisante pour mettre en jeu des mécanismes de propagation de nature non linéaire. Ils peuvent se propager sur de grandes distances sans déformation (comme le mascaret ou les vagues de tsunami). Les concepts de soliton en physique non linéaire et de gaz en physique statistique peuvent être associés au travers de la notion de gaz de solitons. A l'image de particules atomiques ou moléculaires, caractérisées par leurs vitesses et leurs positions dans un gaz, chaque soliton composant le gaz est paramétré par un point caractérisé par sa position dans un espace de représentation mathématique abstrait. Plusieurs solitons répartis aléatoirement dans cet espace constituent une onde fortement non linéaire dont les propriétés statistiques sont caractérisées dans le cadre d'une théorie cinétique (analogue à la théorie cinétique des gaz) qui n'a pas encore été vérifiée expérimentalement.

Des chercheurs du Laboratoire de physique des lasers, atomes et molécules (PhLAM, CNRS/Univ. de Lille), du Laboratoire de recherche en hydrodynamique, énergétique et environnement atmosphérique  (LHEEA, CNRS/Ecole Centrale de Nantes), du Laboratoire matière et systèmes complexes (MSC, CNRS/Univ. de Paris), Laboratoire de physique de l’ENS (LPENS, CNRS/ENS Paris/Sorbonne Univ./Univ. de Paris), de l’Institut Jean Le Rond d'Alembert-Paris (DALEMBERT, CNRS/Sorbonne Univ.), en collaboration avec des chercheurs russes et anglais, sont parvenus à effectuer la première synthèse expérimentalement contrôlée d'un gaz dense de solitons dans un canal rempli d'eau long de 140 mètres. Ils ont pu en particulier mesurer pour la première fois la densité d'états du gaz de solitons et mettre en évidence une évolution lente de celle-ci lors de la propagation. Pour générer le gaz, les chercheurs ont mis au point des outils d'analyse spectrale non linéaire permettant de passer de la représentation des solitons dans l'espace abstrait à un champ d'ondes dans l'espace direct. Réciproquement, la caractérisation des ondes générées permet, via les mêmes outils d'analyse, de remonter à l'état des solitons et à la mesure de la densité d'états du gaz.

Les résultats obtenus représentent la première étape cruciale pour la validation expérimentale de la théorie cinétique des gaz solitons. Ils ouvrent la voie à d'autres études sur des systèmes complexes d'ondes non linéaires que l'on trouve dans d'autres domaines de la physique comme l'optique non linéaire appliquée à la transmission de l'information, la dynamique des superfluides ou l'océanographie.

Canal de propagation utilisé lors des expériences de génération contrôlée du gaz de solitons
Figure 1 : Canal de propagation utilisé lors des expériences de génération contrôlée du gaz de solitons. Le canal est une installation du LHEEA de l'Ecole Centrale de Nantes. Il est long de 140 mètres, large de 5 mètres et profond de 3 mètres. Crédit : S. Randoux
Schéma de principe de l'expérience réalisée montrant l'évolution spatio-temporelle d'un gaz dense de solitons dans le canal hydrodynamique.
Figure 2 : Schéma de principe de l'expérience réalisée montrant l'évolution spatio-temporelle d'un gaz dense de solitons dans le canal hydrodynamique. Grâce à la mise en place de méthodes d'analyse spectrale non linéaire, l'expérience réalisée a permis de mesurer la densité d'états du gaz de soliton et de mettre en évidence une évolution lente de celle-ci lors de la propagation.

 

Référence

Nonlinear spectral synthesis of soliton gas in deep-water surface gravity waves.
P. Suret, A. Tikan, F. Bonnefoy, F. Copie, G. Ducrozet, A. Gelash, G. Prabhudesai, G. Michel, A. Cazaubiel, E. Falcon, G. El and S. Randoux. Phys. Rev. Lett., le 31 décembre 2020.

DOI: 10.1103/PhysRevLett.125.264101
Article disponible sur la base d’archives ouverte hal et arXiv.

Contact

Communication CNRS Physique
Stéphane Randoux
Enseignant-chercheur à l’Université de Lille, Laboratoire de physique des lasers, atomes et molécules