Record de champ électrique critique pour l’oxyde de gallium

Résultat scientifique

Augmenter la tension et éviter le claquage des matériaux utilisés dans l'électronique de puissance restent un défi d'actualité. En ajustant le dopage avec du zinc de l'oxyde de gallium, des chercheurs et des chercheuses ont battu un record pour le champ électrique critique avec une valeur de 13,2 MV/cm.

Les composants électroniques qui opèrent à très haute puissance nécessitent l’intégration de matériaux semi-conducteurs supportant de très forts champs électriques. La limite d’utilisation d’un matériau dans ces composants au-dessus de laquelle il y a claquage électrique est déterminée par le champ électrique critique. Les matériaux les plus aptes à résister aux hautes tensions sont les matériaux semi-conducteurs dits à grand gap (supérieur à 3 eV), comme SiC et GaN. En perspective, les semi-conducteurs à « ultra-grand gap » permettront d’aller plus loin. C'est le cas du diamant qui présente un champ électrique critique de 10 MV/cm, et de l’oxyde de gallium β-Ga2O3. Ce dernier, avec un champ critique estimé à 8 MV/cm, est particulièrement prometteur car, contrairement au diamant, il est déjà fabriqué en grandes surfaces adaptées aux critères industriels (jusqu’à 6 pouces). Au-delà du gap intrinsèque au matériau, d’autres facteurs externes tels que des impuretés ou défauts résiduels et un dopage contrôlé sont déterminants pour la valeur du champ électrique critique. Le dopage contrôlé comme ingénierie des matériaux a été exploité par des chercheurs et des chercheuses du Groupe d'étude de la matière condensée (GEMaC, CNRS/Univ Versailles St-Quentin, Univ Paris Saclay) et de l'Institut d'électronique, de microélectronique et de nanotechnologie (IEMN, CNRS/Univ Lille/Univ Polytechnique Hauts-de-France/Centrale Lille) au sein d'une collaboration internationale avec la Tbilisi State University (TSU) et le Catalan Institute of Nanoscience and Nanotechnology (ICN2).

Les chercheurs et les chercheuses ont tout d’abord synthétisé le matériau sous forme d’un film mince de β-Ga2O3 sur du silicium par la technique de dépôt chimique en phase vapeur de composés organométalliques (MOCVD), et ont réalisé un dispositif élémentaire permettant la mesure de la tension de claquage (figure). Une valeur du champ critique de 6 MV/cm a été mesurée, conforme aux études précédentes. Guidés par une analyse théorique thermodynamique des défauts ponctuels démontrant le caractère amphotère du dopant zinc dans β-Ga2O3 (c'est-à-dire ses propriétés à la fois de donneur ou d'accepteur d'électrons), les scientifiques ont très légèrement dopé (0,5%) en zinc les films de Ga2O3. Sur le même dispositif, un champ électrique critique record de 13,2 MV/cm est alors mesuré, au-delà de l’interpolation directe de 8 MV/cm prédite sur la seule base de la valeur du gap électronique (4,8 eV). L’interprétation est développée ici par une théorie microscopique, la théorie cinétique d’ionisation par impact, qui, appliquée au caractère amphotère de Zn, démontre la réduction du libre-parcours moyen des porteurs de charge libres, en même temps que la diminution de leur concentration. Ces deux facteurs contribuent conjointement à l’augmentation du champ électrique critique. Cette étude confirme clairement les atouts que peut avoir l'oxyde de gallium pour l'électronique de puissance à très haute tension et est publiée dans la revue Materials Today Physics.

Dumont_2020
En haut à gauche, dispositif permettant la mesure du champ électrique supporté par le film de Ga2O3 dopé au zinc.
En bas et à droite, exemples de matériaux semiconducteurs à grand et ultra-grand gaps, avec leurs valeurs de champ électrique critique (en MW/cm). Les barres rouges représentent les valeurs mesurées dans ce travail pour Ga2O3, avec la valeur record de 13,2 MW/cm dans le cas du dopage au zinc, la barre blanche illustrant la valeur qui était attendue.

 

Référence

Ultra-High Critical Electric Field of 13.2 MV/cm for Zn-doped p-type β-Ga2O3. E. Chikoidze, T. Tchelidze, C. Sartel, Z. Chi, R. Kabouche, I. Madaci, C. Rubio, H. Mohamed, V. Sallet, F. Medjdoub, A. Perez-Tomas et Y. Dumont, Materials Today Physics, le 1 septembre 2020.
DOI: 10.1016/j.mtphys.2020.100263
Article disponible sur la base d'archives ouvertes HAL.

Contact

Ekaterine Chikoidze
Ingénieure de recherche au CNRS, Groupe d'études de la matière condensée
Yves Dumont
Professeur à l'Université Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines, Groupe d'études de la matière condensée
Communication CNRS Physique