Accélérer un faisceau intense d’électrons à l’aide de plasmons de surface relativistes

Des physicien-ne-s viennent pour la première fois de générer un faisceau intense d’électrons relativistes au moyen d’une onde de surface produite par une impulsion laser sur la surface d’un solide préalablement structurée par réseau périodique.

Les lasers à impulsions ultracourtes et ultra-intenses développés depuis une dizaine d’années ont permis de démontrer expérimentalement l’accélération de paquets d’électrons de quelques picocoulombs à des énergies atteignant le gigaélectronvolt dans des plasmas peu denses créés dans des gaz. Les électrons y sont accélérés par le champ électrique intense dans l’onde de sillage créée par le laser qui se propage dans le plasma. Aujourd’hui, les enjeux concernent l’augmentation du courant des électrons accélérés et l’amélioration du contrôle de la qualité des faisceaux produits, dans le but de développer des applications, notamment dans le domaine médical. Un pas vient d’être réalisé dans cette direction par des physicien-ne-s du Laboratoire des Solides Irradiés1, du Centre de Physique Théorique2 et du Laboratoire d’Utilisation des Lasers Intenses3 pour la partie théorique, et du Laboratoire Interactions, Dynamiques et Lasers4 pour la partie expérimentale, qui viennent d’obtenir un faisceau d’électrons énergétique et dense à l’excitation d’une onde plasma de surface localisée à l’interface entre l’air et un plasma surdense. Dans cette configuration, les électrons sont accélérés par le champ de l’onde de surface, localement plus intense que celui du laser qui ne pénètre pas dans le plasma. Des paquets d’électrons ayant une énergie d’une dizaine de mégaélectronvolts ont été obtenus avec des intensités lasers faiblement relativistes. Ce travail est l’aboutissement d’un long travail de modélisation théorique et numérique qui a permis aux chercheurs de déterminer la structuration de la surface de la cible, couplant de manière optimale l’impulsion laser aux ondes de surface, en l’occurrence, une modulation de la surface avec une période de l’ordre du micromètre. Ces travaux ont vu leur concrétisation expérimentale grâce au développement récent de nouvelles techniques, comme celle du “miroir plasma”, qui permettent de générer des impulsions laser s’allumant suffisamment rapidement pour que l’onde de surface soit excitée avant que la structure de surface ne soit détruite. Ce travail est publié dans la revue Physical Review Letters.

Les physiciens ont conduit ce travail en deux étapes. Tout d’abord, la simulation de l’excitation des ondes de surface dans un plasma sur - dense a été étudiée via le développement de simulations dites « Particle-In-Cell ». Ces simulations ont été effectuées en utilisant le code EMI2D développé au Centre de Physique Théorique dans lequel un plasma à surface modulée a été implémenté. Ce code repose sur un modèle particulaire électromagnétique relativiste qui prend en compte les collisions binaires électron-électron et électron-ion. Il résout les équations de Maxwell pour les champs électromagnétiques et les équations couplées du mouvement de plus de 60 milliards d’électrons. Extrêmement bien parallélisé et performant, ce code permet de simuler des plasmas sur-denses initialement froids et des géométries de grandes tailles réalistes par rapport aux configurations expérimentales. Les durées de simulations sont suffisamment longues pour étudier de façon approfondie l’accélération de paquets d’électrons le long de la surface de la cible. Ces simulations extrêmement lourdes en termes de temps de calcul ( 2.5 millions d’heures CPU sur 8192 processeurs) et de volumes de données ont été réalisées sur la machine BlueGene/Q de l’IDRIS (centre national de calcul intensif du CNRS).

Les résultats obtenus ont mis en évidence l’excitation d’onde de surface au point d’impact du laser et montrent que des électrons piégés dans l’onde de surface sont accélérés jusqu’à des énergies importantes (paquets d’électrons de densité de l’ordre de 6.1019 cm-3 et d’énergie de 12 MeV pour une intensité laser de 4.1019W/cm2). Ces simulations ont été complétées par le développement d’un modèle de particules tests dans le but de suivre la dynamique d’un électron individuel dans le champ de l’onde de surface et d’affiner la compréhension du processus d’accélération des électrons au cours de l’interaction. Ce modèle montre la possibilité qu’en régime d’interaction relativiste, des électrons s’auto-injectent dans l’onde de surface avec une vitesse proche de celle de la vitesse de phase de l’onde, très proche de la vitesse de la lumière. Cette approche permet de définir un régime optimum d’accélération. Les expériences réalisées sur la base de ces simulations ont permis de valider ce nouveau mécanisme d’accélération. Dans ces expériences, en présence d’une onde de surface excitée par le laser UHI100 de l’IRAMIS (de longueur d’onde 800 nm et de durée 25 fs), des électrons se propageant le long de la surface du plasma avec une énergie comprise entre 8 et 20 MeV ont été mesurés pour une intensité laser de 5.1019W/cm2. Un courant de 120 pC a été obtenu, ce qui rend cette approche particulièrement attractive pour la production de faisceaux d’électrons rapides.

Dans le cadre du développement en cours d’une nouvelle génération de lasers encore plus puissants, par exemple dans le cadre du projet CILEX de l’Université Paris-Saclay, l’équipe de chercheurs poursuit maintenant ses travaux pour étudier l’excitation de ces ondes de surface dans un régime ultra-relativiste (> 1020 W/cm2) et obtenir des faisceaux d’électrons encore plus intenses.

Image retirée.
(gauche) Schéma de l’excitation par laser d’une onde plasma de surface. (droite) Mise en évidence dans les simulations Particule-In-Cell du faisceau d’électrons accélérés par l’onde de surface et se propageant le long du plasma.

 

Electron acceleration by relativistic surface plasmons in laser-grating interaction 
L. Fedeli, A. Sgattoni, G. Cantono, D. Garzella, F. Réau, I. Prencipe, M. Passoni, M. Raynaud, M. Květoň, J. Proska, A. Macchi et T. Ceccotti 
Physical Review Letters, le 7 janvier 2016.

 

Informations complémentaires

1 Laboratoire des Solides Irradiés (LSI, CNRS/X/CEA) 
2 Centre de Physique Théorique (CPhT, CNRS/X) 
3 Laboratoire d’Utilisation des Lasers Intenses (LULI, CNRS/X/CEA) 
4 Laboratoire Interactions, Dynamiques et Lasers (LIDYL, CNRS/CEA/Univ. Paris Saclay)

 

Contact

Michèle Raynaud
Marine Charlet-Lambert
Chargée de communication
Communication CNRS Physique