Cavité ruban avec une couche active polaritonique en GaN, terminée par deux réflecteurs de Bragg (image de microscopie électronique à balayage). © CNRS (L2C, CRHEA, C2N, IP)

Augmenter la fréquence d'un microlaser impulsionnel grâce aux polaritons

Résultat scientifique

Des physiciens ont façonné un laser micrométrique émettant spontanément des impulsions à une fréquence supérieure à 300GHz lorsqu’il fonctionne dans un régime quantique d’interaction lumière-matière, dit laser à polaritons.

Des dispositifs toujours plus miniaturisés permettent aux lasers semi-conducteurs d'augmenter la fréquence de répétition des impulsions qu'ils produisent. Encore faut-il que le milieu amplificateur fournisse un gain suffisant sur une distance micrométrique, et qu'il remplisse les conditions du "blocage de modes", ce qui déclenche le régime impulsionnel.

En exploitant la forte amplification issue de la non-linéarité optique géante de particules quantiques, les polaritons, des scientifiques du Laboratoire Charles Coulomb (L2C, CNRS / Université de Bordeaux) en collaboration avec le Centre de Nanosciences et de Nanotechnologies (C2N, CNRS / Université Paris-Saclay), le Centre de recherche sur l'hétéroepitaxie et ses applications (CRHEA, CNRS / Université Côte d’Azur), et l'Institut Pascal (IP, CNRS / Université Clermont Auvergne) ont développé un nouveau microlaser de 60 µm, produisant des impulsions de 100 fs à la fréquence de répétition record de plus de 300 GHz. Ce laser à polaritons est réalisé dans un guide d'onde de matériau semi-conducteur GaN, et présente de fortes similarités avec les lasers semi-conducteurs bleu, violet, et proche ultra-violet commercialisés depuis une douzaine d'années. Mais l'émission laser est ici obtenue par un état cohérent et collectif des polaritons, selon un mécanisme différent de l'inversion de population : le laser à polaritons a été découvert en 1998 dans une géométrie de microcavité verticale, sans guide d'onde. Au cours des dix dernières années, les travaux sur les lasers à polaritons dans la géométrie de guide d'onde ont permis à ces équipes de prédire ce mécanisme d'amplification de la lumière, de prouver la robustesse des polaritons dans les guides d'onde GaN, et de réaliser un laser quasi-continu dont l'analyse met en exergue la différence entre les diodes laser GaN "classiques", commerciales, et le laser à polaritons guidés GaN.

La démonstration d'un laser à polaritons impulsionnel, par blocage de modes, ouvre de nouvelles perspectives pour le développement de lasers impulsionnels pour la photonique intégrée ainsi que pour les microlasers. Une longueur de cavité de l'ordre du millimètre, et l'insertion d'une section dite "d'absorbant saturable", étaient jusqu'à présent nécessaires pour réaliser de tels lasers impulsionnels à base de semi-conducteurs. Grâce à la très forte interaction entre polaritons, une longueur de cavité de seulement 60µm est suffisante pour permettre la synchronisation en phase des modes lasers qui pilote le blocage de modes. Ce mécanisme est maintenu jusqu'à la température ambiante, sous pompage optique. En termes d'applications, lorsque l'injection électrique remplacera à terme le pompage optique dans de tels lasers, leur miniaturisation et leur fréquence d'impulsions en feront des dispositifs très intéressants pour la photonique intégrée. Mais les dispositifs de lasers à polaritons sont aussi particulièrement adaptés à la photonique topologique et la réalisation de fluides quantiques de lumière, actuellement objet d'intenses travaux de recherche fondamentale. Ces résultats sont publiés dans la revue Optica.

Figure : Cavité ruban avec une couche active polaritonique en GaN, terminée par deux réflecteurs de Bragg (image de microscopie électronique à balayage). Le spectre du laser (en vert) présente une enveloppe caractéristique d'un fonctionnement en "blocage de mode", correspondant à la formation d'impulsions temporelles (en rouge) dans la cavité, visibles dans la simulation numérique de la dynamique du laser à polaritons (en bas à droite) © CNRS (L2C, CRHEA, C2N, IP).

Référence

Mode-locked GaN waveguide polariton laser, H. Souissi, M. Gromovyi, I. Septembre, V. Develay, C. Brimont, L. Doyennette, E. Cambril, S. Bouchoule, B. Alloing, E. Frayssinet, J. Zunniga-Pérez, T. Ackemann, G. Malpuech, D.D Solnyshkov, and T. Guillet, Optica, publié le 10 juillet 2024.
Doi : 10.1364/OPTICA.524753
Archive ouverte : arXiv

Contact

Thierry Guillet
Enseignant-chercheur université de Montpellier, Laboratoire Charles Coulomb (L2C)
Communication CNRS Physique