Cacher une image dans les corrélations quantiques de photons

Résultat scientifique

Un chercheur et une chercheuse ont développé une méthode innovante permettant de dissimuler une image en l'encodant dans les corrélations quantiques de paires de photons, la rendant ainsi invisible aux techniques d'imagerie classiques.

Les photons intriqués sont au cœur de nombreuses applications de photonique quantique, comme le calcul ou la cryptographie. De tels photons peuvent être créés par conversion paramétrique spontanée (SPDC) dans un cristal non-linéaire, processus au cours duquel un photon d’un laser d’excitation de haute énergie (bleu) est converti en deux photons intriqués de plus basse énergie (infrarouge). Certaines applications nécessitent des corrélations quantiques spécifiques entre les photons, ce qui rend leur contrôle essentiel. Pour y parvenir, on peut, par exemple, modifier les propriétés de l’excitation laser, notamment la forme spatiale du faisceau. 

En explorant cette possibilité, des scientifiques de l’Institut des Nanosciences de Paris (INSP, CNRS / Sorbonne Université) proposent une méthode permettant de modeler les corrélations spatiales entre des photons intriqués sous la forme d’un profil bidimensionnel donné.  L’expérience consiste à placer la forme à encoder dans le plan objet d'une lentille située avant le cristal et de l’imager à l’aide d’une seconde lentille sur la caméra (Figure 1a). En l’absence de cristal, le système est analogue à un système d’imagerie conventionnel à deux lentilles : on s’attend à observer sur la caméra une image d’intensité (inversée) de l’objet. En présence du cristal, cependant, la SPDC produit des paires de photons intriqués dans l’infrarouge. Si l’on sélectionne uniquement ces paires à l’aide d’un filtre spectral, l’intensité obtenue sur la caméra est homogène et ne révèle aucune information sur la forme (Figure 1b). L’image ne réapparaît que si l’on reconstruit une image à partir des corrélations spatiales entre les paires de photons (Figure 1c), c’est-à-dire en détectant les positions de chaque photon par rapport à celles de leurs jumeaux. Pour reconstruire une telle image, il faut utiliser une caméra très sensible à la lumière ainsi que des algorithmes sur mesure pour identifier les coïncidences de photons à chaque acquisition et en extraire les corrélations spatiales. L'image de l'objet, véhiculée initialement par le faisceau laser bleu, a donc bien été transférée dans les corrélations spatiales des paires de photons. Cela la rend invisible lors d'une mesure d'intensité classique (i.e. lorsqu’on prend une photo) mais elle apparaît en revanche lors d'une mesure des corrélations.

Grâce à sa flexibilité et à sa simplicité expérimentale, cette approche pourrait permettre le développement de nouveaux protocoles d'imagerie et trouver des applications dans des domaines tels que la communication et la cryptographie quantique. En travaillant sur les propriétés du cristal, il serait même possible d’encoder plusieurs images dans un même faisceau de paires de photons, visibles en déplaçant la caméra dans différents plans optiques, et ainsi d’encoder plus d’information. Cette étude est publiée dans les Physical Review Letters.

Figure : Résultats expérimentaux. a, Dispositif expérimental. b, Image d'intensité sur la caméra et c, image des corrélations. L’image d’intensité ne révèle aucune information sur l’objet présent qu’on peut pourtant voir dans l’image de corrélation © Chloé Vernière et Hugo Defienne.

Reférence

Hiding images in quantum correlations, Chloé Vernière et Hugo Defienne, Physical Review Letters, publié le 29 août 2024.
Doi : 10.1103/PhysRevLett.133.093601
Archive ouverte : arXiv

Contact

Hugo Defienne
Chargé de recherche au CNRS, Institut des nanosciences de Paris (INSP)
Communication CNRS Physique