Cartographier à l’échelle nano l’électroluminescence d’un semiconducteur bidimensionnel

Résultat scientifique

Pour la première fois, des physiciens ont sondé localement à l’échelle nanométrique les propriétés d’électroluminescence d’un semiconducteur bidimensionnel, du diséléniure de molybdène MoSe2. Ces mesures leur ont permis d’identifier les mécanismes d’émission et l’influence des défauts.

Grâce à leur structure électronique particulière, les monofeuillets de dichalcogénures de métaux de transition, tel que le diséléniure de molybdène MoSe2, absorbent et émettent très facilement la lumière. Ces matériaux semiconducteurs bidimensionnels sont ainsi très attractifs pour la fabrication de nanodispositifs tels que des capteurs optiques, des cellules photovoltaïques ou des sources de lumière ultra-miniaturisées. Dans ce contexte, il est essentiel de comprendre précisément comment, à l’échelle nanométrique, une excitation électrique induit une émission de lumière. C’est ce qu’on fait des physiciens de l’Institut des sciences moléculaires d’Orsay (ISMO, CNRS/Univ. Paris-Sud) et de l’Institut de physique et chimie des matériaux de Strasbourg (IPCMS, CNRS/Univ. Strasbourg) en analysant la luminescence d'un monofeuillet de MoSe2 déposé sur une électrode transparente conductrice (en oxyde d’indium-étain) et excité localement par les électrons provenant de la pointe d’un microscope à effet tunnel (STM). Ils ont montré que cette luminescence est due à la relaxation d’excitons, des « quasi atomes » qui se forment dans les semiconducteurs par association d’un électron et d’un trou. Ce mécanisme est différent de ceux proposés lors de précédentes études effectuées en microscopie à effet tunnel. La lumière y était émise suite à un couplage avec les plasmons de surface, des modes d’oscillations collectives des électrons à la surface d’un métal, qui étaient propres au substrat utilisé et à la pointe du STM, c’est-à-dire un artefact. En utilisant uniquement des matériaux qui n’ont pas de plasmons de surface dans la gamme spectrale étudiée, les scientifiques ont supprimé cet artefact et observé la luminescence « naturelle » du semi-conducteur. Tout l’intérêt de cette technique est de permettre l’étude des excitons à l’échelle nanométrique, c’est-à-dire de pouvoir relier les propriétés de ces excitons à la géométrie locale du semiconducteur (défauts, plis, bords de domaines) à une échelle bien plus petite (10 nm) que la longueur d’onde de la lumière émise (800 nm). Cela peut notamment permettre de concevoir de nouveaux dispositifs électroluminescents à base de semiconducteurs bidimensionnels.

Photo
Images d’un feuillet de diséléniure de molybdène (MoSe2). Selon la région de l’image, il s’agit soit d’un monofeuillet ou de deux monofeuillets superposés (bi-feuillet). Les deux images ont été obtenues simultanément. © ISMO (CNRS/Univ. Paris-Sud)
 (haut) Topographie de la surface obtenue à l’aide d’un microscope à effet tunnel, montrant les plis et les défauts du feuillet dus à la méthode de préparation (par exfoliation) de l’échantillon.  
 (bas) Émission lumineuse de l’échantillon induite par le passage du courant tunnel. La luminescence du monofeuillet est bien plus intense que celle du bifeuillet, en raison de sa structure électronique différente (seul le monofeuillet est un semiconducteur « à gap direct »).

Références

Scanning tunneling microscope-induced excitonic luminescence of a two-dimensional semiconductor, Delphine Pommier, Rémi Bretel, Luis E. Parra López, Florentin Fabre, Andrew Mayne, Elizabeth Boer-Duchemin, Gérald Dujardin, Guillaume Schull, Stéphane Berciaud et Eric Le Moal, Physical Review Letters, le 10 juillet 2019.

DOI: 10.1103/PhysRevLett.123.027402

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Contact

Eric Le Moal
Chargé de recherche au CNRS, Institut des sciences moléculaires d’Orsay
Communication CNRS Physique