Comment la pression limite les tumeurs

Résultat scientifique

Une équipe de chercheurs a mis en évidence la façon dont l'application d'une pression mécanique sur des cellules tumorales limite leur croissance.

Anciennement, les médecins avaient remarqué qu'une légère compression mécanique limitait parfois la croissance des tumeurs. Des siècles plus tard, un effet similaire a été observé in vitro : des agrégats de cellules tumorales grossissent moins vite lorsqu’ils sont soumis à une faible pression (quelques kPa). Pour quelle raison ? Une équipe de chercheurs du Laboratoire interdisciplinaire de physique (LiPhy, CNRS/Univ. Grenoble Alpes) de Grenoble, en collaboration avec l'Institut lumière matière (ILM, CNRS/Univ. Claude Bernard) de Villeurbanne et le Collège de France, émet l’hypothèse que les tissus biologiques seraient sensibles aux faibles pressions grâce à leur nature composite. Ils sont en fait constitués de cellules entourées par un hydrogel, la matrice extracellulaire. Cette dernière, perméable à l’eau et très compressible, est mille fois plus écrasée et déshydratée que les cellules sous une pression de quelques kPa. En se déformant, la matrice extracellulaire agirait comme un capteur de pression et inhiberait la prolifération. Ces travaux sont parus dans la revue eLife.

Pour tester l’hypothèse, les auteurs ont proposé une nouvelle stratégie expérimentale. L’idée est d’exercer une pression osmotique sélective sur les cellules ou sur la matrice extracellulaire, en utilisant des osmolytes (des molécules biologiques) de tailles différentes. Les petits osmolytes (< 5 nm, en bleu dans la figure) s’infiltrent dans la matrice extracellulaire sans en modifier l’état de compression, mais appliquent une pression sur les cellules. Les grands osmolytes (> 15 nm, vert), en revanche, ne peuvent pas pénétrer dans la matrice extracellulaire et compriment l’agrégat dans sa globalité. Le résultat est que pour une valeur identique de la pression (5 kPa), la compression globale de l’agrégat en inhibe la croissance bien plus qu’une compression sélectivement appliquée aux cellules. Ces résultats suggèrent que la déformation de la matrice extracellulaire régule effectivement l’expansion d'une tumeur et participe aussi à la régulation d’un tissu sain.

La compréhension de ce mécanisme permettrait ainsi d’appréhender l'un des mécanismes d'autorégulation de la taille des tissus biologiques (homéostasie) et, éventuellement, de rétablir ce mécanisme par voie pharmacologique lorsqu’il est inhibé, ce qui est le cas dans les tumeurs.

Figure : L'utilisation d'osmolytes de tailles différentes permet de sélectionner le site où s'exerce la pression, cellules ou matrice extracellulaire, et observer ainsi ces effets. © G. Cappello, LiPhy.
Figure : L'utilisation d'osmolytes de tailles différentes permet de sélectionner le site où s'exerce la pression, cellules ou matrice extracellulaire, et observer ainsi ces effets.
© G. Cappello, LiPhy.

 

Référence

Extracellular matrix in multicellular aggregates acts as a pressure sensor controlling cell proliferation and motility.  M.E. Dolega, S. Monnier, B. Brunel, J.-F. Joanny, P. Recho, G. Cappello, eLife, Publié le 11 mars 2021.
DOI : 10.7554/eLife.63258.
Article disponible sur la base d’archives ouvertes hal

Contact

Giovanni Cappello
Directeur de recherche CNRS, Laboratoire interdisciplinaire de physique
Communication CNRS Physique