Comment le glissement lent affecte l’initiation de séismes le long d’une faille sismique

Résultat scientifique

Les failles sismiques libèrent les contraintes par des événements de glissement rapide, les séismes, ou par du glissement lent. Des expériences en laboratoire récentes montrent qu’une région de faille en glissement lent agit comme une rupture initiale, augmentant la fréquence de déclenchement de séismes. Ces résultats suggèrent que la surveillance des zones en glissement lent pourrait améliorer la prévention du risque sismique.

Un tremblement de terre résulte de la mise en glissement soudaine d’une faille sismique, libérant de cette manière les contraintes accumulées par les mouvements tectoniques. Ces contraintes peuvent également être relâchées par des événements de glissement lent, détectables par un suivi de la déformation de la croûte terrestre. Le rôle des événements de glissement lent est crucial en cela qu’ils impactent l'occurrence de séismes le long d’une faille. Cependant, les mécanismes par lesquels le glissement lent affecte l’initiation de séismes restent encore mal compris. 

Dans une étude expérimentale récente, des chercheurs et chercheuses du Laboratoire de Physique de l'ENS de Lyon (LPENSL, CNRS / ENS de Lyon) ont étudié le cas d’une faille artificielle reproduite en laboratoire, le long de laquelle un glissement lent a été induit par la présence d'une hétérogénéité dans la composition de l'interface, dans leur cas un matériau granulaire. Les expériences en laboratoire permettent de contrôler la composition locale des failles étudiées ainsi que leur chargement (la pression normale et les contraintes de cisaillement s’exerçant globalement), et de réaliser des mesures à leur proximité immédiate (ce qui est en général irréalisable sur le terrain). Il devient ainsi possible d’étudier les mécanismes locaux responsables des phénomènes de relaxation qui se développent à grande échelle. Les scientifiques montrent ainsi qu’une région en glissement lent agit comme un centre de nucléation pour les ruptures sismiques. La région glissante se comporte comme une rupture initiale le long de l’interface : plus elle est étendue, plus la déstabilisation de l’interface est précoce et plus le déclenchement de séismes est fréquent. De plus, la région en glissement lent s'étend au-delà de l'hétérogénéité granulaire introduite, ce qui démontre que la composition de la faille n'est pas le seul ingrédient responsable du glissement lent mais que le chargement de la faille importe également. 

Grâce à ce travail, les scientifiques ont compris qu’il est désormais nécessaire d’étudier comment le glissement lent s’étend le long de la faille lorsque le chargement augmente. À terme, il serait essentiel de déterminer un critère quantitatif permettant de connaître la longueur ou la taille typique à partir de laquelle une région en glissement lent se déstabilise en rupture rapide et donne naissance à un séisme. Ainsi, une surveillance des zones de failles en glissement lent permettrait éventuellement de détecter la survenue prochaine d’un séisme, améliorant ainsi la prévention des risques sismiques. Ces résultats sont publiés dans la revue Nature Communications.

EDDL Bayart
Figure : Schéma de l’expérience réalisée. Une inclusion d’un matériau granulaire constitué de cylindres est introduite le long d’une faille artificielle. La faille est instrumentée par des capteurs de déformations (carrés) et le glissement interfacial est mesuré en imageant les grains © Faure et Bayart.

Reférence

Experimental evidence of seismic ruptures initiated by aseismic slip, Yohann Faure et Elsa Bayart, Nature Communications, publié le 19 septembre 2024.
Doi : 10.1038/s41467-024-52492-2
Archive ouverte : arXiv  

Contact

Elsa Bayart
Chercheuse CNRS, Laboratoire de physique de l'ENS de Lyon (LPENSL)
Communication CNRS Physique