Confinés dans des nanotubes diélectriques, les colorants organiques gardent leur éclat

Résultat scientifique

Les propriétés optiques des colorants organiques se détériorent facilement par des réactions avec l'environnement et par ailleurs, elles sont très sensibles à la façon dont les molécules sont organisées à l'échelle nanométrique. Des chercheurs et des chercheuses montrent ici que leur insertion dans des nanotubes de nitrure de bore offre d’excellentes conditions pour les protéger tout en permettant de les utiliser plus efficacement comme nanosondes en bio-imagerie, ou plus généralement comme nanoémetteurs de lumière stable.

Grâce à leur interaction intense avec la lumière, les colorants organiques sont utilisés dans différents domaines, notamment comme agents de contraste en bio-imagerie, comme milieu à gain pour certains lasers ou encore comme colorants dans les matériaux artistiques et les teintures. Ces molécules sont cependant fragiles car elles réagissent avec les espèces oxydantes naturellement présentes dans l’air et dans l’eau, ce qui mène à une extinction irréversible de leur activité optique. Ce phénomène pose d’autant plus problème lorsque les quantités de colorants utilisés sont très faibles, comme c’est le cas en photonique quantique ou en bio-imagerie. De plus, les molécules organiques se laissent difficilement arranger et orienter. Pour pallier ces problèmes, des chercheurs et des chercheuses du Laboratoire d’étude des microstructures (LEM, CNRS/ONERA), du Laboratoire photonique, numérique, nanosciences (LP2N, CNRS/Université de Bordeaux/IOGS), de Polytechnique Montréal et de l’Université de Montréal (Canada) sont parvenus à insérer des colorants organiques dans des nanotubes de nitrure de bore (BNNT). Cette encapsulation protège efficacement les colorants organiques de l’environnement extérieur, aligne les molécules dans un état propice à l’émission de lumière et augmente leur photostabilité d’un minimum de quatre ordres de grandeur comparé aux mêmes colorants laissés libres.

Les BNNT ont un diamètre moyen compris entre 0,8 et 3 nanomètres et sont de proches parents des nanotubes de carbone (SWCNT). Ils se distinguent par leur bande interdite plus élevée : 5,5 eV contre 1 eV pour les SWCNT semi-conducteurs. Des colorants ont déjà été confinés avec succès dans des SWCNT, mais leur luminescence est court-circuitée par les SWCNT eux-mêmes, ce qui n’arrive pas avec les BNNT grâce à leur bande interdite. Les scientifiques ont utilisé leur nouveau système comme nanosondes lumineuses dans des tissus vivants, aux longueurs d’onde visible et proche infrarouge. Des expériences à l’échelle de micro-organismes, mais aussi de cellules, montrent que leur photo-stabilité et leur brillance permettent de les utiliser, par exemple, en imagerie un ou deux photons sur des temps de plusieurs heures. Ces travaux ouvrent la voie vers des émetteurs de lumière sur-mesure, basés sur l’interaction de molécules organiques optiquement actives, stabilisées et agencées de façon contrôlée à l’échelle nanométrique.

Gaufrès 2020
De haut en bas : Schéma illustrant des colorants organiques encapsulés dans des nanotubes de nitrure de bore Mol@BNNT. Spectre et image en fluorescence de Mol@BNNT. Utilisation des Mol@BNNT en bio-imagerie sur des petits crustacés dans le domaine optique visible (VIS) et proche infrarouge (NIR).

 

Référence

Confinement of dyes inside boron nitride nanotubes: photostable and shifted fluorescence down to the near infrared. Charlotte Allard, Léonard Schué, Frédéric Fossard, Gaëlle Recher, Rafaella Nascimento, Emmanuel Flahaut, Annick Loiseau, Patrick Desjardins, Richard Martel et Étienne Gaufrès, Advanced Materials, le 2 juin 2020.
DOI : 10.1002/adma.202001429
Article disponible sur la base d'archives ouvertes HAL.

Contact

Etienne Gaufrès
Chargé de recherche au CNRS, Laboratoire photonique, numérique, nanosciences
Communication CNRS Physique