Des aimants miniatures fabriqués à partir de nanoparticules

Résultat scientifique

En manipulant des nanobâtonnets de cobalt, des chercheurs et des chercheuses ont mis au point une technique de synthèse d'aimants microscopiques, dont ils contrôlent la géométrie et qu'ils peuvent déposer en un endroit précis d'une puce électronique.

L'intégration d’aimants sur puce est d'une importance capitale pour la réalisation de dispositifs portables conçus pour les télécommunications, l'automobile, les applications biomédicales et spatiales. A l’heure actuelle, les aimants macroscopiques les plus performants sont à base de terres rares et obtenus par des procédés métallurgiques qui ne peuvent répondre aux problématiques d’intégration et de miniaturisation. De plus, le remplacement des aimants à base de terres rares est non seulement motivé par des enjeux macro-économiques, mais également par le coût environnemental important lié à l’extraction minière de ces métaux.
Des approches alternatives ont de ce fait été intensément étudiées ces dernières décennies et il existe deux méthodes principales pour l’intégration d’aimants dans des dispositifs portatifs : l’élaboration de couches minces par des techniques de dépôt utilisées en microélectronique, et la structuration de composites polymères magnétiques. Cependant, aucune de ces techniques ne permet actuellement de répondre aux critères d'application clés que sont l’intégrabilité (température de procédé modérée), la performance (forte densité énergétique) et l’épaisseur (importante pour permettre une grande portée des champs rayonnés).Des chercheurs et des chercheuses du Laboratoire de physique et chimie des nano-objets (LPCNO, INSA Toulouse/Univ. Toulouse Paul Sabatier) en collaboration avec le Laboratoire d'analyse et d'architecture des systèmes (LAAS-CNRS), ont développé une méthode alternative de conception d’aimants basée sur l’assemblage de briques élémentaires, des nanobâtonnets de cobalt, à la façon d’un jeu de construction. Ces nanobâtonnets sont synthétisés par voie chimique : grâce à leur caractère cristallin et leur rapport de forme élevé, ils se comportent chacun comme des nanoaimants. Dispersés dans une suspension dense, ils sont assemblés et compactés par évaporation sous champ magnétique, ce qui permet de moduler les propriétés de l’aimant obtenu. Les scientifiques ont notamment montré qu’il est possible de fabriquer localement des aimants de fortes épaisseurs (jusqu’à plusieurs centaines de micromètres). Pour cela, il suffit de jouer sur la vitesse d’évaporation du solvant dans lequel sont dispersés les nanobâtonnets, ainsi que sur la force induite par des plots de nickel placés sur le substrat, qui attire les particules vers les zones où règnent un gradient de champ magnétique (force magnétophorétique). Ce procédé économique et rapide permet de fabriquer des aimants offrant des propriétés magnétiques intermédiaires entre les ferrites, peu coûteuses mais peu performantes, et les aimants à base de terres rares, qui sont à l’inverse efficaces mais chers. Les résultats de l’étude sont publiés dans ACS Nano.
La preuve de concept de cette technologie, apportée par l’utilisation d’un capteur gravimétrique en silicium, a mis en évidence le potentiel d’intégration et d’efficacité de ces matériaux magnétiques au sein de dispositifs nomades. Adaptée également à la réalisation d’aimants doux à base de fer, cette technique pourrait augmenter les performances des inductances et d’en réduire la taille, et répondre ainsi au besoin de montée en fréquence des circuits radiofréquences imposée par les nouveaux besoins des communications sans fils pour la téléphonie mobile et l’internet des objets.

vue au microscope des bâtonnets de cobalt
Figure : à gauche vue au microscope des bâtonnets de cobalt déposés après évaporation, de telle sorte à constituer un microaimant, entre deux plots de nickel (à droite). Crédit Lise-Marie Lacroix, LPCNO

 

Référence

Magnetophoresis-Assisted Capillary Assembly: A Versatile Approach for Fabricating Tailored 3D Magnetic Supercrystals. P. Moritz, A. Gonon, T. Blon, N. Ratel-Ramond, F. Mathieu, P. Farger, J.-M. Asensio-Revert, S. Cayez, D. Bourrier, D. Saya, L. Nicu, G. Viau, T. Leichle, L.-M. Lacroix. ACS Nano. Publié le 23 février 2021.
DOI: doi.org/10.1021/acsnano.0c10215
Article disponible sur la base d’archives ouverte hal.

Contact

Communication CNRS Physique
Lise-Marie Lacroix
Maitre de conférence à l’Univ. de Toulouse Paul Sabatier, Laboratoire de physique et chimie des nano-objets