Des défauts fluorescents quantiques observés pour la première fois à l’échelle individuelle dans du silicium
Le silicium employé dans les composants électroniques comporte des imperfections cristallines qui peuvent se révéler utiles dans le domaine des technologies quantiques. Pour la première fois, des défauts luminescents y ont été observés à l’échelle individuelle avec, de plus, une émission de lumière dans la gamme des longueurs d’onde des télécommunications par fibre optique. Ces émetteurs apparaissent comme des candidats prometteurs pour concevoir des composants pour la photonique quantique intégrée du silicium et les communications quantiques.
Les matériaux semiconducteurs, et en particulier le silicium, jouent un rôle crucial dans le développement de la microélectronique. Leur structure cristalline présente parfois des défauts capables de confiner les charges électriques en un point précis, leur conférant des propriétés quantiques. Ces défauts peuvent alors se comporter comme des atomes artificiels, émettant chacun des photons de fluorescence un par un quand ils sont excités par un laser. Cette émission de photons uniques ne peut cependant être observée que si ces émetteurs sont isolés à l’échelle individuelle. Jusqu’ici, les défauts individuels détectés par voie optique provenaient uniquement de semiconducteurs à large bande interdite : diamant, carbure de silicium ou encore nitrure de bore hexagonal. Extrêmement prisé pour concevoir des composants électroniques et photoniques, le silicium présente une bande interdite jugée auparavant trop faible pour héberger des défauts suffisamment brillants pour être détectables de façon individuelle. Des chercheurs et chercheuses du Laboratoire Charles Coulomb (L2C, CNRS/Université de Montpellier), de l’Institut matériaux microélectronique nanosciences de Provence (IM2NP, CNRS/Aix-Marseille Université), de l’Institut des nanotechnologies de Lyon (INL, CNRS/École Centrale de Lyon/Univ. Claude Bernard/INSA Lyon/CPE Lyon), de l’Institut de recherche interdisciplinaire de Grenoble (IRIG, CEA/Université Grenoble Alpes), ainsi que des universités de Leipzig (Allemagne) et d’Oslo (Norvège), ont cependant isolé les premiers défauts fluorescents individuels dans le silicium. La luminescence de ces atomes artificiels est de plus comprise dans la gamme de longueurs d’onde des télécommunications, compatible avec des grandes distances de propagations dans des fibres optiques.
Pour y parvenir, les scientifiques ont créé des défauts ponctuels dans un échantillon ultrapur de silicium sur isolant, grâce à un procédé d’implantation carbone suivi par un recuit rapide de la matrice. Un microscope confocal à froid (10 K) a été optimisé pour isoler et détecter le faible signal provenant d’émetteurs individuels de lumière dans le proche infrarouge. Les scans optiques de l’échantillon permettent de repérer des points chauds de photoluminescence, associés à des défauts individuels émettant aux longueurs d’ondes télécom. L’émission de photons uniques est vérifiée en analysant leur lumière au moyen d’outils issus de l’optique quantique. Incorporés dans des puces photoniques silicium, ces défauts pourraient apporter de nouvelles fonctionnalités pour la photonique quantique intégrée, en utilisant leurs photons uniques comme support d’information. Les chercheurs vont à présent poursuivre leurs expériences en ajoutant de l’excitation magnétique, afin d’essayer de contrôler l’état de spin de ces atomes artificiels dans le but d’obtenir un stockage quantique de l’information. L’objectif à plus long terme serait de développer dans le silicium des mémoires quantiques interfacées avec des photons uniques télécom. Une telle réalisation pourrait ouvrir de nombreuses perspectives pour le potentiel déploiement de réseaux de communication quantique.
Référence
Single artificial atoms in silicon emitting at telecom wavelengths. W. Redjem, A. Durand, T. Herzig, A. Benali, S. Pezzagna, J. Meijer, A. Yu. Kuznetsov, H. S. Nguyen, S. Cueff, J.-M. Gérard, I. Robert-Philip, B. Gil, D. Caliste, P. Pochet, M. Abbarchi, V. Jacques, A. Dréau et G. Cassabois, Nature Electronics, le 23 novembre 2020.
DOI: 10.1038/s41928-020-00499-0
Article disponible sur la base d’archives ouverte arXiv