Des pelures d'oignon pour manipuler les ultrasons

Résultat scientifique

Des scientifiques ont démontré que les épidermes d'oignons permettent de manipuler des ondes acoustiques à haute fréquence. Ces propriétés, observées pour la première fois dans des matériaux d'origine végétale, pourraient déboucher sur des dispositifs électroniques bon marché et respectueux de l'environnement.

La propagation des ondes acoustiques dans les matériaux provient des vibrations collectives des atomes. Celles-ci sont quantifiées par des modes ayant des fréquences bien définies et appelés phonons, les phonons étant en quelque sorte au son ce que les photons sont à la lumière. De la même façon qu’il existe des métamatériaux photoniques pour manipuler les ondes lumineuses, il existe des métamatériaux phononiques, c'est-à-dire des matériaux composites structurés en vue de modifier et de contrôler la propagation des ondes acoustiques, notamment en filtrant certaines fréquences. Les métamatériaux phononiques mis au point durant la dernière décennie sont des matériaux artificiels inorganiques. Ils présentent des propriétés a priori surprenantes, comme un indice de réfraction négatif ou une masse volumique effective négative, et sont d'ores et déjà intégrés dans le traitement des ondes ultrasonores, par exemple pour des biocapteurs ou dans des filtres pour écrans tactiles. Mais ces matériaux artificiels ne se recyclent pas et utilisent de nombreux composants stratégiques comme les terres rares. Concernant les matériaux composites naturels, contrairement à leurs propriétés photoniques, leurs propriétés phononiques sont encore largement inexplorées.

Sous l'impulsion de l'Institut Lumière Matière à Lyon (ILM, CNRS/Univ. Lyon 1), une équipe de chercheurs et chercheuses a démontré que des composites biologiques sous la forme de réseaux de cellules végétales desséchées se comportent comme des métamatériaux phononiques, en interdisant la propagation d'ondes acoustiques dans certaines gammes de fréquences. Dans ces expériences pionnières, le composite biologique était constitué d'un épiderme de cellules d'oignon de quelques microns d’épaisseur seulement. Ce type de cellules a été choisi pour ses parois rigides et organisées en nid d'abeille. L'analyse de la propagation des ondes acoustiques de surface à des fréquences de quelques centaines de MHz a révélé l’apparition naturelle de bandes de fréquences interdites (figure), comparables à celles obtenues dans les matériaux artificiels. De plus, les caractéristiques de ces bandes sont contrôlables simplement en sélectionnant des plantes avec différents phénotypes. Ces travaux sont publiés dans la revue Applied Materials Today.

Ces résultats définissent une nouvelle classe de matériaux pour la manipulation d'ondes acoustiques haute fréquence, d'intérêt pour les appareils de détection, d'imagerie et de télécommunication. La capacité des composites biologiques à se développer rapidement, à peu de frais et en masse à partir de ressources renouvelables est un atout considérable et de plus, contrairement à leurs homologues inorganiques, les matériaux biologiques sont souples, adaptables et intrinsèquement biocompatibles.

Vue des couches épidermiques
Figure : a. Vue des couches épidermiques qui ont été sélectionnées à différentes profondeurs d'un bulbe d'oignon, allant de la plus externe (la plus ancienne) à la plus profonde (la plus jeune).  b. Surface de l’épiderme de l'oignon sur laquelle la propagation des ondes de surface est illustrée. c. Courbe de dispersion montrant l’apparition d’une bande de fréquences interdites (pointillés rouges).

 

Référence

Growing Phenotype-controlled Phononic Materials from Plant Cells Scafolds. M. A. Ghanem, L. Khoryati, R. Behrou, A. Khanolkar, S. Raetz, F. Allein, N. Boechler et T. Dehoux, Applied Materials Today, mars 2021. 
DOI: 10.1016/j.apmt.2020.100934
Disponible sur la base d'archives ouvertes ArXiv  

Contact

Thomas Dehoux
Chercheur CNRS, Institut lumière matière
Communication CNRS Physique