Du grain à la granule : à quelle vitesse croît un agrégat granulaire mouillé ?

Résultat scientifique

Des physiciens ont étudié la dynamique de croissance d’agrégats humides produits par l’impact de grains secs. Ce travail a mis en évidence l’importance du liquide aux interfaces avec l’air pour comprendre la cinétique de capture des grains.

Le mélange de grains secs et d’un liquide constitue l’étape préliminaire de procédés industriels tels la granulation de poudres pharmaceutiques, ou la préparation de matériaux de construction (plâtre, mortier). Lorsque le liquide entre en contact avec les grains, il établit entre eux des sortes de ponts (forces capillaires) permettant la formation d’un petit agrégat mouillé sur lequel viennent se coller d’autres grains secs, jusqu’à former des granules ou un matériau humide homogène. Cependant l’interaction entre les grains et le liquide dans de telles situations de mélange est très mal comprise et assez peu maîtrisée, ce qui peut engendrer des préparations non-homogènes, ou des granules aux propriétés finales inadéquates.

Des physiciens du laboratoire Surface du Verre et Interfaces à Aubervilliers ont étudié expérimentalement l’interaction entre un agrégat humide et un jet granulaire sec. Au contact de l’agrégat humide, une partie des grains secs projetés est capturée par le liquide, permettant la croissance de l’agrégat. En combinant des méthodes d’imageries à différentes échelles (dont la tomographie rayon X et la microscopie), ils ont pu relier la répartition volumique et surfacique du liquide à la vitesse de croissance d’un agrégat modèle. Ces résultats font l’objet d’une publication dans la revue Physical Review Letters.

Les chercheurs ont tout d’abord réalisé un support poreux : un empilement de billes de verre sphériques de 0,3 mm de diamètre, connecté à un réservoir de liquide. En jouant sur la hauteur du support, et donc sur la dépression dans le liquide selon le principe des vases communicants, il est possible de modifier la quantité de liquide disponible à la surface de l’empilement. Plus le réservoir est bas par rapport au support, et moins il y a de liquide disponible au niveau de ce dernier. Des grains de même nature sont ensuite projetés horizontalement sur le support poreux. Un agrégat croît alors au rythme de la capture d’une fraction des grains lancés.

L’agrégat saturé en liquide, d’une dizaine de centimètres, est obtenu en quelques minutes. Les chercheurs ont enregistré sa vitesse de croissance et mis en évidence deux régimes de croissance distincts. Le premier (régime visqueux) est limité par le transport du liquide depuis le support poreux jusqu’à l’extrémité de l’agrégat : lorsque l’agrégat devient trop grand, le liquide ne parvient plus à se glisser rapidement jusqu’à la surface et la croissance ralentit. Le second est limité par la capture des grains (régime de capture). Dans ce cas, les ménisques formés par le liquide entre les grains sont trop courbés, enfoncés et difficile d’accès. Les grains suivant ne peuvent donc plus se coller à la granule.

Le passage d’un régime à l’autre est contrôlé par la disponibilité du liquide à l’interface liquide/air pour agréger les grains. Elle résulte de l’équilibre entre : d’un côté la dépression capillaire des ménisques entre les grains, et de l’autre côté la dépression imposée dans le fluide. Le régime visqueux est observé pour une faible dépression, le régime de capture pour de forte dépression. Les chercheurs ont pu modéliser ce comportement et prévoir exactement la transition d’un régime dynamique à l’autre en considérant le déplacement du fluide d’une part, et la probabilité de capturer un grain d’autre part. Ces découvertes contribueront à l’optimisation des procédés industriels de mélange qui requièrent d’associer efficacité et rapidité, mais également à la modélisation de phénomènes géophysiques tel le transport éolien sur les sols humides.

Image retirée.
Evolution temporelle de l’agrégat sous un jet de grains secs en fonction de la dépression imposée dans le liquide (proportionnelle à Δh). Cette photo illustre la transition entre le régime visqueux (diffusif à petit Δh) et le régime de capture (linéaire à grand Δh).

 

En savoir plus

Accretion dynamics on wet granular materials 
G. Saingier, A. Sauret et P. Jop 
Physical Review Letters (2017), doi:10.1103/PhysRevLett.118.208001 
Lire l’article sur le base d’archives ouvertes HAL

 

Informations complémentaires

Surface du verre et interfaces (SVI, CNRS/Saint-Gobain)

Contact

Jean-Michel Courty
Chargé de mission institut
Marine Charlet-Lambert
Chargée de communication
Communication CNRS Physique