Faire pousser du nitrure de magnésium

Résultat scientifique

Des physiciens sont parvenus à faire croître des cristaux de nitrure de magnésium en couche mince par épitaxie. Cette première a permis une étude précise des propriétés physiques de ce semi-conducteur qui pourrait être utilisé notamment dans les éclairages LED.

L’étude de nouveaux semi-conducteurs nécessite des cristaux de bonne qualité car la présence de défauts fausse les mesures physiques. Le nitrure d’indium, utilisé aujourd’hui dans toutes les LEDs bleues et blanches, en est un exemple frappant : ses propriétés électroniques n’ont pu être mesurées correctement que dans les années 2000. Le nitrure de magnésium se trouve aujourd’hui dans une situation similaire, bien que plusieurs procédés industriels l'utilisent déjà. Il y a deux raisons principales à cela. Il se décompose (oxydation) au contact de l’air, ce qui rend difficile sa caractérisation. Et aucune synthèse de couches mince cristallines n'avait eu lieu jusqu'ici, principalement parce qu'il est difficile d'identifier le bon substrat ainsi que la technique d’épitaxie adéquate pour la réaliser. Des physiciens du Centre de recherche sur l'hétéroépitaxie et ses applications (CRHEA, CNRS) ont réussi à résoudre simultanément ces deux problèmes. Leurs travaux sont publiés dans Physical Review Materials.

Les chercheurs ont d’abord sélectionné quatre substrats cristallins en fonction de leur symétrie atomique, qui doit être proche de celle du nitrure de magnésium pour permettre une croissance cristalline satisfaisante. Ils ont ensuite réalisé la croissance épitaxiale de couches minces de nitrure de magnésium par épitaxie sous jets moléculaires sur ces différents substrats. Un seul, l'oxyde de magnésium, a donné entière satisfaction. Les chercheurs ont démontré qu'ils étaient capables de maîtriser l'orientation cristalline du nitrure de magnésium sur ce substrat grâce aux conditions de croissance utilisées : en particulier la température et le rapport entre les flux de magnésium et azote. Ensuite, ils ont déposé dans le même réacteur de croissance, sans briser les conditions d’ultravide, une couche protectrice d’oxyde de magnésium, qui s’est révélée suffisante pour éviter l’oxydation du nitrure. Enfin, grâce à ces couches minces, les scientifiques ont pu mesurer pour la première fois les coefficients d’expansion thermique du nitrure de magnésium, des paramètres essentiels pour son incorporation dans des structures épitaxiées plus complexes. Il a également été possible de déterminer la valeur de la bande d'énergie interdite du matériau, qui se trouve dans la gamme de longueurs d’onde bleue/ultraviolette.

Grâce à ces travaux le nitrure de magnésium peut, dès maintenant, être envisagé pour la fabrication des dispositifs électroniques transparents ou pour des dispositifs optoélectroniques travaillant dans le visible/ultraviolet.

 

zuniga2020
En haut : photographie d’un échantillon de MgO/Mg3N2/MgO sur un substrat de MgO (10x20 mm2) monocristallin.
En bas : image par microscopie à force atomique de la surface du MgO utilisée pour protéger les couches minces de Mg3N2 : la surface est recouverte par des cubes de MgO qui reflètent la symétrie cubique des matériaux MgO et Mg3N2. L’échelle de couleur rend compte des différentes hauteurs, allant de 0 nm à 12 nm. © CRHEA (CNRS)

 

Références

Crystalline magnesium nitride (Mg3N2): from epitaxial growth to fundamental physical properties.
P. John, H. Rotella, C. Deparis, G. Monge, F. Georgi, P. Vennéguès, M. Leroux et J. Zuniga-Perez, Physical Review Materials, le 11 mai 2020.
DOI:
10.1103/PhysRevMaterials.4.054601

Contact

Jesus Zuniga Pérez
Chargé de recherche au CNRS, Centre de recherche sur l'hétéroepitaxie et ses applications
Communication CNRS Physique