Focaliser sans optique la lumière XUV
La lumière XUV, dont la gamme de longueur d’onde est située entre l'ultra-violet et les rayons X, permet de produire des impulsions attosecondes (1 as = 10-18 s) et a permis d’ouvrir le domaine de l'attophysique. Des physiciens ont montré qu'il est possible de contrôler finement les caractéristiques spatiales de ces faisceaux XUV, et les focaliser sans utiliser d'optiques.
Les faisceaux de lumière XUV obtenus par génération d’harmoniques d’ordres élevés dans les gaz permettent d’obtenir des impulsions attosecondes (10-18 s), grâce à leur grande largeur spectrale et à la cohérence temporelle du rayonnement. Cette cohérence permet aux différents ordres harmoniques d’interférer dans le domaine temporel. Il en résulte des interférences constructives uniquement pendant un temps très court, d'où la production d’impulsions attosecondes. La mesure des phases spectrales harmoniques relatives est assez bien développée mais peu d’attention a été portée aux profils spatiaux de ces radiations XUV. Or, si les radiations ont des profils spatiaux différents, elles ne se recouvrent que partiellement. De fait, le profil temporel des impulsions est modifié en limitant les possibilités d’interférences, qui deviennent moins marquées et changeantes dans l’espace.
Dans ce travail expérimental et théorique, des chercheurs de Centre de laser intenses et applications (CELIA, CNRS/CEA/Univ. Bordeaux) et de l’Institut lumière matière (ILM, CNRS/Univ. Lyon 1) ont étudié les profils spatiaux des harmoniques d’ordres élevés générés par la propagation d’un laser femtoseconde intense dans des gaz, et mis en évidence les paramètres qui permettent de contrôler ces faisceaux XUV. Ils ont montré qu’il est possible de contrôler finement les conditions de production du faisceau afin d'obtenir des rayonnements XUV avec un front d’onde convergent. Un tel front permet de focaliser les rayonnements XUV large bande sans utiliser d’optiques XUV, qui ont une efficacité limitée dans cette gamme spectrale.
Ces résultats sont nouveaux car les scientifiques considèrent habituellement que tous les faisceaux XUV ont le même profil spatial et qu’ils sont divergents après leurs productions. Contrôler les propriétés spatiales de ces faisceaux permet de refocaliser toutes les harmoniques en un même point et d’obtenir simultanément une focalisation dans le domaine temporel (impulsions attosecondes) et dans le domaine spatial augmentant de manière notable les intensités XUV accessibles.
Pour leurs expériences, les scientifiques ont bénéficié d’un système laser femtoseconde Titane Saphir (800 nm) disposant d'une forte énergie par impulsion, un profil spatial du laser quasi Gaussien et un front d’onde laser corrigé à un centième de la longueur d’onde grâce à un miroir déformable développé spécifiquement pour les lasers intenses. Grâce à ce dispositif, ils ont généré des harmoniques d’ordres élevés dans un jet de néon et ont étudié le profil spatial des faisceaux harmoniques.
La stabilité du système a permis de jouer sur les conditions de génération des harmoniques et de confronter les résultats expérimentaux à un modèle analytique que les chercheurs ont développé. Ceux-ci ont pu ainsi faire ressortir les paramètres cruciaux permettant de contrôler les faisceaux XUV. Ces simulations ont montré qu’il est possible de focaliser les radiations XUV sans optiques dans des conditions spécifiques. Les scientifiques ont pu réaliser ces conditions et mettre en évidence la focalisation des radiations XUV.
Contrôler les faisceaux XUV permettra de gommer les différences entre les faisceaux des différents ordres harmoniques, afin d'obtenir des impulsions attosecondes large bande avec des intensités XUV élevées. Cela facilitera la réalisation d’expériences en régime non linéaire avec l’XUV et permettra de suivre des dynamiques attosecondes sans perturber cette dynamique avec un laser intense, comme cela est fait actuellement.
Référence
Optics-less focusing of XUV high-order harmonics,
L. Quintard, V. Strelkov, J. Vabek, O. Hort, A. Dubrouil, D. Descanmps, F. Burgy, C. Péjot, E. Mével, F. Catoire et E. Constant,
Science Advances, le 5 avril 2019. DOI: 10.1126/sciadv.aau7175