Vue d’artiste de la formation d’un bouchon de virus à l’entrée du nanopore © Vincent Démery, Fabien Montel & Léa Chazot-Franguiadakis.

Heure de pointe chez les virus !

Résultat scientifique

Des chercheurs et chercheuses ont observé des virus passant à travers des nanopores synthétiques qui miment les pores nucléaires, ces portes d’entrée par lesquelles ils infectent les noyaux cellulaires. Quand la concentration est suffisante, des bouchons se forment et limitent la translocation, bouchons dont les caractéristiques renseignent sur les interactions entre les virus et la surface du noyau.

Les virus ont des propriétés physiques remarquables et des interactions complexes avec leur environnement. On se représente habituellement le transport de ces pathogènes par la respiration des personnes infectées à travers des gouttelettes émises à l’expiration, ainsi que l’ont popularisé de nombreux travaux lors de l’émergence du Covid 19. Or le déplacement des virus vers le lieu d’une infection est complexe et très diversifié. Pour rentrer au cœur des cellules et les infecter, ils doivent ainsi trouver leur chemin dans des environnements parfois très confinés. Dans le moment critique que représente la pénétration du noyau cellulaire, certains virus doivent franchir les « portes » que forment les pores nucléaires situés à la surface du noyau, un phénomène d'une importance capitale pour la compréhension de l'infectivité virale.

C’est cette étape critique que viennent d’étudier des équipes de scientifiques du Laboratoire de Physique (LPENSL, CNRS / ENS de Lyon), de l'Institut de Recherche en Infectiologie de Montpellier (IRIM, CNRS / Université de Montpellier), de l'Institut Parisien de Chimie Moléculaire (IPCM, CNRS / Sorbonne Université), du Centre International de Recherche en Infectiologie (CIRI, CNRS / ENS de Lyon / INSERM / Université Claude Bernard), GULLIVER (CNRS / ESPCI Paris - PSL) et Interfaces, Traitements, Organisation et Dynamique des Systèmes (ITODYS, CNRS / Université Paris Cité), en utilisant une approche in vitro qui mime le transport de virus dans le noyau. Pour ce faire, ils ont étudié le passage de virus dans des ouvertures nanométriques synthétiques communément appelées nanopores, en les observant à l’aide d’une détection optique ultrasensible. De façon surprenante, les chercheurs et chercheuses ont découvert que les virus ont tendance à interagir entre eux lorsqu’on les force à entrer dans ces pores et qu’ils forment alors facilement un embouteillage quand la densité est suffisante, dû principalement à l’adhésion des virus entre eux et à la surface du pore. À l’aide d’un modèle physique, les scientifiques tournent cet état de fait à leur avantage en montrant que l’on peut utiliser ce phénomène de bouchon pour quantifier les interactions des virus entre eux et avec le pore.

Ces travaux proposent ainsi une nouvelle méthode pour comprendre et caractériser les interactions des virus avec leur environnement. Par exemple, l’influence de médicaments sur le transport des virus dans le noyau peut être testée par ce type d’expérience. On peut également envisager d’utiliser cette technique pour contrôler l’agrégation de nanoparticules à l’aide d’un nanopore. Ces résultats sont publiés dans la revue Nature Communications.

Figure : Embouteillage de virus dans un nanopore synthétique. A) Vue d’artiste de la formation d’un bouchon de virus à l’entrée du nanopore. B) Mesure de la fréquence de passage à travers un réseau de nanopores synthétiques en fonction de la pression appliquée pour pousser les virus. La réduction importante de la fréquence de passage pour une augmentation de la concentration de virus est le signe distinctif de la formation d’un bouchon à l’intérieur du pore. Les points représentent les mesures expérimentales et les traits continus représentent les prédictions du modèle physique dévellopé pour cette étude © Vincent Démery, Fabien Montel & Léa Chazot-Franguiadakis.

Référence

Soft jamming of viral particles in nanopores, Léa Chazot-Franguiadakis, Joelle Eid, Gwendoline Delecourt, Pauline J. Kolbeck, Saskia Brugère, Bastien Molcrette, Marius Socol, Marylène Mougel, Anna Salvetti, Vincent Démery, Jean Christophe Lacroix, Véronique Bennevault, Philippe Guégan, Martin Castelnovo and Fabien Montel, Nature Communications, publié le 23 juillet 2024.
Doi : 10.1038/s41467-024-50059-9 (open access)

Contact

Fabien Montel
Chercheur CNRS, Laboratoire de Physique (LPENSL)
Communication CNRS Physique