La couleur des nanoparticules d’argent dépend-elle de leur taille ? Le rôle de l’environnement !

Résultat scientifique Nanosciences

La couleur des nanoparticules métalliques change-t-elle avec leur taille ? Aucun vrai consensus n’avait pu être établi jusqu’à présent. Une nouvelle étude explorant notamment les très petites nanoparticules résout les contradictions de la littérature en mettant en lumière le rôle de l’environnement.

La résonance plasmon de surface dans les nanoparticules métalliques est une excitation électronique collective à l’origine des couleurs très marquées de certains vitraux d’église ou des solutions colloïdales. Elle est également à la base de nombreuses applications dans des domaines variés comme la biomédecine, la catalyse ou encore les capteurs. L'énergie de cette résonance peut être ajustée par la composition chimique, la forme ou encore l’environnement de la particule, mais, au moins dans une description classique, pas par sa taille. Et pourtant, malgré de nombreuses années d’efforts, rien n'était encore clair sur une possible dépendance avec la taille de l'énergie de la résonance : la couleur associée est-elle inchangée ? se décale-t-elle vers le rouge ? vers le bleu ?

Grâce à la confrontation de nouvelles mesures – faites sur des particules très petite taille et triées à l'atome près – à de nouveaux calculs tenant compte des effets quantiques liés à la petite taille des nanoparticules, des chercheurs de l'Institut lumière matière (CNRS/Univ. Lyon 1) à Lyon, du Laboratoire de physique des solides (CNRS/Univ. Paris-Sud) à Orsay et du Centre interdisciplinaire de nanosciences de Marseille (CNRS/Aix-Marseille Univ.) ont enfin pu éclaircir la controverse. Ils ont réussi à déterminer quelles étaient les conditions pour lesquelles la couleur changeait ou restait inchangée, en mettant notamment en évidence le rôle important joué par l'environnement.

Grâce au nouveau système de tri en taille, des ensembles extrêmement homogènes de nanoparticules sphériques d'argent isolées dans une matrice de silice ont été étudiés, jusqu'à des tailles inférieures au nanomètre. Des mesures de la résonance plasmon par spectroscopie optique ont démontré ainsi une absence d’effet de taille sur des ensembles de particules. Par ailleurs, grâce à la possibilité de sonder les nanoparticules de façon individuelle, d'autres mesures par spectroscopie électronique ont démontré un net décalage vers le bleu quand la taille diminue. Des calculs prenant en compte les effets quantiques ont aidé à réconcilier ces deux résultats apparemment contradictoires ainsi qu'à d'autres résultats de la littérature. Deux effets principaux sont en compétition : le caractère d’onde des électrons qui leur permet de s’étendre au-delà du diamètre de la particule, qui déplace la résonance plasmon vers le rouge, et une polarisabilité réduite des électrons (électrons d) à la surface qui mène à un effet opposé, vers le bleu. Les chercheurs ont ainsi pu démontrer que l'effet de taille existait bel et bien, avec, pour des nanoparticules isolées, un déplacement vers le bleu quand on va vers les petites tailles (l'effet de la polarisabilité réduite est dominant). Dans le cas d'une nanoparticule entourée de silice, la balance entre les deux effets est perturbée et l’effet de taille disparait. Enfin, dans le cas des mesures électroniques, les chercheurs ont pu montrer que c'est la dégradation de cet environnement sous l'impact du faisceau d'électrons qui explique le décalage vers le bleu, même si la particule elle-même reste intacte.

Ce travail résout donc la controverse en montrant de quelle façon l’environnement influence les propriétés optiques des nanoparticules. Il ouvre ainsi la possibilité d’études systématiques, robustes et comparables, de très petites nanoparticules métalliques avec les différents types de spectroscopie. Sur cette base, d’autres effets physiques, comme l’excitation de plasmons de volume, et d’autres systèmes plus complexes comme les nano-alliages sont maintenant accessibles.

 

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Représentation schématique des deux méthodes utilisées pour l’étude de la résonance plasmonique dans les nanoparticules d’argent : spectroscopie optique (à gauche) et électronique (à droite). Dans le cas de la spectroscopie optique, les mesures d’ensembles de particules triées en taille ne montrent pas de décalage de la résonance en fonction de la taille. La spectroscopie électronique permet d’étudier des nanoparticules uniques. Ici un décalage de la résonance est observé qui est attribué à la dégradation de l‘environnement local par le faisceau électronique.  © ILM (CNRS/Université Lyon 1)

 

Références

Plasmonic quantum size effects in silver nanoparticles are dominated by interfaces and local environments.
Alfredo Campos, Nicolas Troc, Emmanuel Cottancin, Michel Pellarin, Hans-Christian Weissker, Jean Lermé, Mathieu Kociak et Matthias Hillenkamp
Nature Physics, le 19 novembre 2018.

Contact

Matthias Hillenkamp
Chercheur CNRS
Communication CNRS Physique