Le nitrure de bore hexagonal, un cristal à la surprenante lumière ultraviolette

Résultat scientifique Physique des solides

Le nitrure de bore hexagonal (hBN) émet une lumière ultraviolette avec une intensité inhabituellement élevée pour un semi-conducteur indirect. Cette apparente contradiction a finalement été expliquée par la nature particulière des excitons, dévoilée tant par des mesures quantitatives que par leur modélisation.

L’émission de lumière des matériaux semi-conducteurs repose sur la bande d’énergie interdite de leurs électrons. Cet intervalle de valeurs d’énergie, qu’ils ne peuvent pas prendre, est délimité par la bande de conduction et la bande de valence. Si les extrémités de ces deux bandes sont alignées sur un même vecteur d’onde des électrons, on parle de semi-conducteur direct. Si elles sont décalées, il est à l’inverse dit indirect. Les paires électrons-trous, issues de l’excitation d’un électron de la bande de valence vers la bande de conduction, forment des quasi-particules éphémères appelées excitons. Dans les semi-conducteurs directs, ces paires électrons-trous ont une grande chance d’émettre des photons. Ils sont donc naturellement prisés pour la fabrication de diodes électroluminescentes et de lasers. Les semi-conducteurs indirects ne peuvent quant à eux émettre de photon que si un phonon – qui correspond à un mode d'excitation du réseau cristallin – est aussi émis, ce qui réduit drastiquement leur rendement lumineux, réduisant par là même significativement son potentiel d’applications. Or, le nitrure de bore hexagonal (hBN), un semi-conducteur indirect de structure lamellaire apparentée au graphite, remet en question ces faits établis.


Des chercheurs du Groupe d’étude de la matière condensée (GEMaC, CNRS/Université Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines), du Laboratoire d’étude des microstructures (LEM, CNRS/ONERA) et de l’Institut national de sciences des matériaux (NIMS) de Tsukuba, au Japon, ont en effet montré qu’avec un rendement de presque 100 % dans l’ultraviolet, le hBN émet quasi systématiquement et de manière très stable des photons, alors que sa bande interdite est de nature indirecte. Ce rendement a été mesuré par cathodoluminescence, une technique qui mesure l’émission de lumière consécutive à un bombardement par un faisceau d’électrons. Les calculs théoriques et simulations numériques effectués par les chercheurs ont permis de montrer que ce comportement était dû aux propriétés inhabituelles des excitons. Ceux-ci sont marqués par la très forte énergie qui lie les électrons aux trous (300 meV). De plus, ces calculs ont aussi permis d’établir comment, dans le hBN, la nature directe ou indirecte des excitons permet d’élucider les différences observées entre les photons impliqués en luminescence et en absorption, un cas très inhabituel qui faisait débat Ces travaux pourraient aider au développement de l’optoélectronique, du graphène et des matériaux 2D. Le hBN représente en effet un excellent substrat et encapsulant pour le graphène. Sa brillance pourrait également être exploitée comme source compacte d’UV, par exemple pour purifier l’eau.

Illustration
Les cristaux lamellaires de nitrure de bore hexagonal émettent dans l’ultraviolet lorsqu’ils sont excités par un faisceau d’électrons. Les mesures montrent que leur rendement quantique interne est proche de 100 %, malgré une bande interdite de type indirect. L’oxyde de zinc (direct) et le diamant (indirect) sont présentés en comparaison.

 

Référence

Bright Luminescence from Indirect and Strongly Bound Excitons in h-BN.
Leonard Schué, Lorenzo Sponza, Alexandre Plaud, Hakima Bensalah, Kenji Watanabe, Takashi Taniguchi, François Ducastelle, Annick Loiseau et Julien Barjon, Physical Review Letters, le 12 février 2019.
Lire l’article sur la base d’archives ouvertes ArXiv et HAL.

Contact

Julien Barjon
Enseignant-chercheur au GEMaC
Annick Loiseau
Directrice de recherche Onera au LEM
Communication CNRS Physique