Le silicium au service du bit quantique

Résultat scientifique Nanosciences Physique quantique

La physique quantique appliquée aux techniques de l’information promet une révolution en termes de capacité de calcul. Dans ce travail, les chercheurs ouvrent la perspective d'exploiter le potentiel des technologies de la microélectronique pour la réalisation des bits quantiques.

Le bit quantique (qubit) est l'élément de base de l'ordinateur quantique. De même que le bit classique, il comporte deux états de lecture, mais grâce à sa nature quantique, il peut véhiculer une quantité d'information infiniment plus grande, démultipliant ainsi des capacités de calcul de l'ordinateur. Une des difficultés de la réalisation d'un qubit est de préserver sa cohérence, c'est-à-dire sa capacité à garder suffisamment longtemps l'information qu'il contient. Le spin de l'électron, qui comporte deux états (+ ou -), est une des réalisations possibles du qubit, grâce à un composant appelée boîte quantique dans lequel il est piégé. Un de ses atouts majeurs est, dans la perspective d'une intégration d'un grand nombre de bits, la très petite taille du composant. En associant étroitement physique et ingénierie, des chercheurs grenoblois de l'Institut Néel (CNRS), du LETI (CEA) et de l’IRIG-Pheliqs (UGA/CEA) ont mis au point une méthode simple et élégante de lecture d'un qubit de spin électronique, partant d'un transistor gravé dans une puce en silicium qui réalise la boîte quantique, et développant, à l'aide d'une boîte quantique auxiliaire, un processus de lecture efficace basé sur une conversion du spin en charge électrique. Les bonnes performances de lecture obtenues font de ce résultat une avancée déterminante vers des architectures plus complexes et plus puissantes.

Le qubit est réalisé par le piégeage d'un électron unique dans un transistor. L'électron reste dans le piège et garde sa cohérence à condition que la température soit très basse, typiquement en-dessous de 1 kelvin. Son état de spin peut être lu en profitant du principe de Pauli, c'est-à-dire en testant s'il peut ou non, en fonction de son spin, accueillir dans sa boîte un second électron. Dans ce travail, pour lire le spin de l'électron, les chercheurs ont couplé la boîte quantique du qubit à une boîte quantique auxiliaire analogue, elle-même couplée à un réservoir d'électrons et à un circuit radiofréquence (circuit LC). Le transfert d'électrons entre les boîtes est assuré par un fil de silicium et se contrôle par des tensions appliquées à des électrodes (grilles) déposées par-dessus le fil (figure). On sonde la possibilité de transfert d'électron de la boîte auxiliaire à la boîte principale en mesurant par réflectométrie radiofréquence la modification de la résonnance du circuit LC induite par la modification de la charge de la boîte auxiliaire (figure). Les chercheurs ont démontré la très grande sensibilité et la rapidité de cette méthode de lecture en obtenant un taux d'erreur inférieur à 1% pour un temps de lecture de 500 μs.

Le succès du concept de qubit développé dans ce travail montre que l'intégration indispensable pour aller vers un ordinateur quantique, c'est-à-dire l'implémentation d'un très grand nombre de qubits de façon la plus compacte possible, pourrait être directement réalisé sur les lignes de fabrication que l’industrie microélectronique a développées pour l'ordinateur classique.

Illustration
A gauche : image par microscopie électronique à transmission d'une découpe du composant montrant en vert,
le fil de silicium où sont localisées les boîtes quantiques et le réservoir d’électrons (« lead ») et en brun les
électrodes de grille (G1 et G2) contrôlant la boîte quantique auxiliaire (QD1) et la boite quantique du qubit (QD2).
Le lien de la grille G1 avec le circuit de mesure de réflectométrie RF est assuré par une inductance L. A droite :
mesure du saut de tension RF dû au changement d’état du qubit. © Institut Néel (CNRS)

 

Référence

Gate-Based High Fidelity Spin Readout in a CMOS Device, Matias Urdampilleta, David J. Niegemann, Emmanuel Chanrion, Baptiste Jadot, Cameron Spence, Pierre-André Mortemousque, Christopher Bäuerle, Louis Hutin, Benoit Bertrand, Sylvain Barraud, Romain Maurand, Marc Sanquer, Xavier Jehl, Silvano De Franceschi, Maud Vinet et Tristan Meunier, Nature Nanotechnology, le 13 mai 2019. DOI: 10.1038/s41565-019-0443-9

Contact

Matias Urdampilleta
Chercheur CNRS, Insitut Néel
Communication CNRS Physique