L’Institut d’études scientifiques de Cargèse a été nommé « site historique » par la Société européenne de physique

Le 7 octobre dernier, des personnalités dont des représentants et représentantes des organismes tutelles et partenaires de l’Institut d’études scientifiques de Cargèse (IESC, CNRS/Univ. Côte d’Azur/Univ. de Corse Pasquale Paoli), se sont réunies pour la cérémonie de remise de la distinction "site historique" de la Société européenne de physique (EPS – European Physical Society). L’IESC devient ainsi le 6^ème site récompensé en France, deux ans après l'Ecole de physique des Houches. A cette occasion, une plaque commémorative a été dévoilée par Luc Bergé, président de l’EPS et Guy Wormser, président la Société française de physique (SFP). Cette reconnaissance, qui a été créée en 2011 par Luisa Cifarelli, ancienne présidente de l’EPS, est attribuée à tout lieu (monuments, places, départements de physiques, villes...) qui a revêtu une importance majeure pour l’avancée, la production et le partage des savoirs en physique. L’IESC a reçu cette récompense pour sa forte implication historique dans la dissémination des connaissances et théories modernes en physique. « L’Institut d’études scientifiques de Cargèse a participé à l’histoire de la physique à travers les grands noms qui y ont séjourné, mais l’histoire continue à se faire. Les jeunes générations qui sont là pour apprendre monteront, après, des projets et se souviendront qu’elles sont passées par Cargèse », reporte Luc Bergé.

L’Institut d’études scientifiques de Cargèse (IESC) est né d’une idée de Maurice Levy, alors professeur à la Faculté des sciences de Paris et directeur du Laboratoire de physique théorique de l’ENS, lors d’un séjour à l’Ecole de physique des Houches, fondée quant à elle en 1951 par la physicienne Cécile DeWitt-Morette. En effet, à l’été 1957, après y avoir assuré des cours, Maurice Levy, se plaignant de la météo hasardeuse, conclut son séjour dans l’école située au pied du Mont Blanc en plaisantant « L’année prochaine j’ouvre une école en Méditerranée ». Cependant, cette plaisanterie est prise au sérieux par ses collaborateurs et trois ans après l’Institut d’études scientifiques démarre officiellement ses activités à Cargèse, en Corse. 60 ans plus tard, plus de 700 écoles ont été organisées et environ 2000 étudiantes et étudiants internationaux y sont accueillis chaque année.

Créé pour accueillir les conférences de physique, l’IESC s’est ouvert avec le temps vers d’autres disciplines jusqu’à faire de l’interdisciplinarité l’une de ses marques de fabriques. Le concept derrière cette école reste cependant le même que celui de sa « grande sœur » des Houches : proposer une formation de qualité sur les avancées contemporaines, en particulier en physique, par des scientifiques de renom, dans un cadre idyllique propice à la réflexion et aux rencontres. Les moments d’échanges informels, durant un repas ou à la plage, sont ici encouragés. Moments qui sont à l’origine de nouvelles pistes d’exploration et de collaborations fructueuses. L’IESC est un lieu de mélange entre les générations et de personnes aux horizons différents faisant fi de toute hiérarchie. C’est un lieu où des étudiants peuvent se retrouver à nager à côté d’un prix Nobel. A Cargèse, la science est omniprésente, sur les tableaux noirs dans les classes, dans le jardin, jusqu’à se retrouver écrite sur un bout de sable ou entaillée dans la végétation.

Selon Fabrice Mortessagne, enseignant chercheur à l’Institut de physique de Nice (INPHYNI, CNRS/Univ. Côte d’azur), directeur de l’IESC, la reconnaissance de ce lieu par la communauté, qui se voit aussi bien dans la qualité des intervenants des écoles que dans l’enthousiasme des jeunes qui y participent, vient de là : « prendre le temps de se poser, de réfléchir à ce qu’on fait, de creuser, de se confronter aux autres, se mettre ensemble face à face... Il y a des endroits comme Cargèse, qui mettent les gens dans des états favorables à cela sans précipitation ou compétition. C’est d’autant plus important pour les jeunes générations qui sont sensibles à mettre du sens dans ce qu’elles font ».

Dans ce lieu magique, sont nés certains des plus grands concepts et théories de la physique moderne. Pour donner un exemple, Gerard 't Hooft, grand physicien néerlandais, dans un article récent publié dans la courrier du CERN, raconte que son séjour à Cargèse pendant sa thèse, a eu un rôle important dans la conception de sa théorie qui lui a valu le prix Nobel en 1999, devenue un des piliers du Modèle standard de la physique des particules.

Implanté à l’entrée du village de Cargèse, l’Institut d’études scientifiques est aussi un lieu ouvert aux habitants, où plusieurs conférences et d’autres activités grands publics sont organisées tout le long de l’année. Pendant les écoles, les bars et les restaurants du village sont investis par les savants. Les habitants, habitués à ces clients particuliers, semblent même avoir développé une expertise dans la reconnaissance des thématiques des écoles : « ils distinguent en un coup d’œil les mathématiciens des physiciens, et même en physique ils arrivent à deviner si ce sont des physiciens de la matière molle ou des particules », plaisante Fabrice Mortessagne. Cette volonté de créer et garder un lien avec la vie locale est en effet depuis sa création dans l’ADN de l’Institut d’études scientifiques de Cargèse.