Mise en lumière de l’exciton noir dans les nano cristaux de pérovskite
Des scientifiques ont mis en évidence l’origine de la brillance remarquable des pérovskites halogénées, des semi-conducteurs prometteurs pour l’optoélectronique, des cellules solaires aux lasers.
Les pérovskites halogénées sont des semi-conducteurs qui offrent non seulement un flux de photons très important, mais aussi une grande gamme de longueurs d’ondes possibles en jouant sur la composition chimique et la taille de ces nano cristaux.
Les propriétés d’émission sont gouvernées par la formation et la recombinaison avec émission de photons d’une paire électron-trou liée nommée exciton, dont la structuration des niveaux d’énergie fait actuellement débat. L’analyse des symétries prédit une structure fine de ces niveaux avec un exciton de plus basse énergie à caractère non émissif. Autrement dit, dans ce singulet la paire électron-trou ne se recombine pas en émettant un photon. Il est surmonté de trois niveaux (triplet) à caractère émissif cette fois-ci. La parution en 2018 d’un article1 dans le journal Nature a provoqué une controverse en attribuant, sur une base essentiellement théorique invoquant une brisure de symétrie (responsable d’un effet Rashba), la brillance des nano cristaux de pérovskite à basse température à une inversion de l’ordre des niveaux singulet et triplet. Les triplets « brillants » correspondant à des énergies plus basses que le singulet, ils se trouveraient naturellement davantage peuplés.
Cette hypothèse vient d’être infirmée par des physiciennes et des physiciens du Laboratoire Photonique, numérique et nanosciences (LP2N, CNRS/Univ. Bordeaux/IOGS) et de l’institut FOTON (CNRS/INSA Rennes/Univ. Rennes 1), en collaboration avec des chimistes de l’ETH Zurich et EMPA en Suisse. Pour cela, ils ont révélé la structure fine complète de l’exciton, par l’analyse de la photoluminescence de nanocristaux individuels sous champ magnétique et aux températures cryogéniques. Ces résultats font l’objet d’une publication dans le journal Nature Materials. Le rôle du champ magnétique est de créer une « contamination » par le triplet de l’exciton noir singulet, qui acquiert ainsi de la brillance. Devenu visible, on constate qu’il se situe bien sous les niveaux du triplet, avec un décalage de quelques milli électronvolts. Cet écart énergétique singulet-triplet est par ailleurs conforme au modèle théorique établi par ces physiciens, mettant en avant le rôle prépondérant de l’interaction d’échange à longue portée de l’électron et du trou dans ces nanostructures.
De cette découverte s’ensuit une question essentielle : si l’état fondamental de l’exciton est noir, pourquoi ces nano cristaux restent-ils brillants à la température de l’hélium liquide? Si l’on se base en effet sur la loi de Boltzmann d’occupation des niveaux excitoniques, seul l’état fondamental non émissif devrait être peuplé à cette température. Par l’analyse temporelle du déclin de la photoluminescence de ces nano cristaux en fonction de la température, les chercheurs ont trouvé que la relaxation de l’état triplet vers l’état singulet est excessivement lente, ce qui fait qu’en réalité, cet état n’est pas peuplé. C’est une conséquence de l’action mineure jouée par les phonons acoustiques (des vibrations) dans ces matériaux relativement mous. Cette relaxation s’effectue alors par un mécanisme du second ordre assisté par deux phonons optiques. Cette propriété se démarque de celle des nanostructures semi-conductrices conventionnelles et confère aux nanocristaux de pérovskites un potentiel prometteur dans les technologies de l’optique quantique, les cellules solaires à faible coût, les émetteurs et détecteurs de lumière, et les lasers.
Référence
The ground exciton state of formamidinium lead bromide perovskite nanocrystals is a singlet dark state,
Philippe Tamarat, Maryna I. Bodnarchuk, Jean-Baptiste Trebbia, Rolf Erni, Maksym V. Kovalenko, Jacky Even et Brahim Lounis, Nature Materials, le 13 mai 2019. DOI: 10.1038/s41563-019-0364-x
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