Observation de la sous-radiance de Dicke dans un nuage d’atomes froids

Résultat scientifique

Des physiciens viennent pour la première fois d’observer un ralentissement de la fluorescence d’atomes froids dû à des effets d’interférence. La caractérisation de cet effet est essentielle dans la recherche des signatures potentielles d’une localisation d’Anderson de la lumière à trois dimensions.

Après avoir été observée pour différents systèmes, types d’ondes ou dimensionnalités, la localisation d’Anderson de la lumière à trois dimensions reste encore élusive. La piste actuellement privilégiée pour cette observation consiste à observer la décroissance temporelle de la fluorescence d’un nuage d’atomes froids alors que ce dernier n’est plus excité. Outre la nécessité de réaliser des nuages d’atomes mille fois plus denses que ceux que l’on sait réaliser actuellement, il faut aussi s’assurer que le ralentissement de la décroissance de la fluorescence est bien caractéristique de l’effet attendu. Or un second effet, connu depuis les années 50, pourrait être à l’origine de ce ralentissement : la sous-radiance de Dicke. Une équipe de l’INLN (CNRS/Univ. Nice Sophia Antipolis) vient pour le première fois de mettre en évidence cet effet à trois dimensions et de le caractériser. Ce travail est publié dans la revue Physical Review Letters.

La sous-radiance de Dicke apparaît lorsqu’un grand nombre d’atomes identiques sont excités par une même onde lumineuse. Ces conditions d’apparition, qui favorisent les effets d’interférence entre les ondes émises par les différents atomes, sont les mêmes que pour la super-radiance, mais contrairement à ce phénomène facilement observable, la sous-radiance est extrêmement difficile à observer car elle ne concerne qu’une infime partie de la lumière émise. Ainsi, en plus de la production d’un nuage d’atomes froids suffisamment dense et contenant un grand nombre d’atomes, la mesure de cet effet nécessite de maitriser une difficulté expérimentale majeure : la détection d’un signal optique très faible. Dans l’expérience, les physiciens ont tout d’abord préparé un nuage d’atomes de rubidium 87 refroidis par laser contenant un milliard d’atomes, dans un volume de l’ordre du millimètre cube. L’épaisseur optique d’un tel nuage pour une lumière résonante est de 100, ce qui permet d’avoir une très forte probabilité de diffusion de la lumière par les atomes, même lorsque le désaccord avec la transition résonnante est important. Ensuite, les chercheurs ont envoyé des impulsions lasers de 30 microsecondes sur un nuage d’atomes froids dont la taille était contrôlée juste avant l’envoi des impulsions. Après la coupure de ces impulsions laser, la lumière de fluorescence a été détectée à un angle de 35° de la direction incidente du laser à l’aide de détecteurs en régime de comptage de photons. La proportion très faible de la fluorescence décroissant lentement (inférieure à 1 % de la fluorescence totale) a imposé l’utilisation de détecteurs particuliers ne présentant pas de réponse parasite, telle que des post-impulsions, qui auraient masqué la sous-radiance. Grâce à une dynamique de détection de quatre ordres de grandeur, les chercheurs ont observé une décroissance lente bien visible dans le fond du signal, jusqu’à 100 fois plus lente que pour un atome unique. En vérifiant que la durée de vie des photons dans le nuage d’atomes froids est proportionnelle à l’épaisseur optique à résonance et indépendante du désaccord du laser, les chercheurs ont ainsi montré qu’il ne s’agit non pas d’un phénomène de diffusion multiple, mais bien de la sous-radiance prévue par Dicke en 1954. Ce qui est surprenant est que cette modification du taux de désexcitation des atomes intervient aussi dans un régime où les atomes sont distants de bien plus que la longueur d’onde du rayonnement émis, avec une distance interatomique moyenne de 5 microns pour une longueur d’onde d’émission de 780 nm.

Image retirée.
Décroissance de la fluorescence en fonction du temps. Le laser excitateur est coupé à t = 0 et l’axe des temps est en unité de la durée de vie d’un atome unique (26 ns). Les différentes courbes correspondent à différentes épaisseurs optiques à résonance et le désaccord du laser est de cinq fois la largeur naturelle de la transition.

 

En savoir plus

Subradiance in a large cloud of cold atoms 
W. Guérin1, M. O. Araujo1,2 et R. Kaiser1 
Physical Review Letters, le 22 février 2016.

 

Informations complémentaires

1 Institut Non Linéaire de Nice (INLN) 
2 CAPES Foudation, Ministry of Education of Brazil

Contact

Jean-Michel Courty
Chargé de mission institut
Marine Charlet-Lambert
Chargée de communication
Communication CNRS Physique