Profiter du désordre pour piéger au même endroit le son et la lumière

Résultat scientifique Physique des solides

Des physiciens proposent une approche nouvelle pour piéger des ondes lumineuses et acoustiques au même endroit en utilisant un empilement approximativement périodique de deux matériaux. Ils montrent que non seulement la lumière et le son peuvent être piégés au même endroit à l'échelle nanométrique, mais également que leur interaction est renforcée.

Les ondes lumineuses se propagent dans les matériaux et si ceux-ci comportent une périodicité dans leur structure de longueur comparable à la longueur d'onde de la lumière, leur propagation peut être contrôlée. L'existence d'un désordre peut de plus conduire à la localisation des ondes : c'est la localisation dite d'Anderson. De même, les ondes acoustiques – qui mettent en oeuvre le mouvement des atomes et qui sont une généralisation des ondes sonores jusqu'à des fréquences micro-ondes, peuvent se propager ou être localisées. Dans ce travail, grâce à une nouvelle collaboration réunissant un physicien spécialiste de l'interaction des ondes acoustiques avec la lumière du Centre de nanosciences et nanotechnologies (C2N, CNRS/Université Paris-Sud) et des physiciens barcelonais spécialistes de la localisation d'Anderson, les chercheurs ont trouvé une structure périodique composée d'un empilement de couches nanométriques de GaAs et d'AlAs possédant un certain degré de désordre et permettant la co-localisation de ces deux types d'ondes. Alors que cette co-localisation était déjà réalisée au sein de cavités nanométriques, cette nouvelle approche permettra de s'affranchir de certaines difficultés de réalisation des nanostructures et d'exploiter plus facilement les atouts de l'interaction entre son et lumière.

Les chercheurs ont modélisé la propagation des ondes dans une structure semi-conductrice nanométrique composée d'une succession de couches de GaAs (arséniure de gallium, d'épaisseur environ 62 nm) et d'AlAs (arséniure d'aluminium, d'épaisseur environ 73 nm), en introduisant une variation aléatoire de ces épaisseurs de telle sorte que l'épaisseur totale du motif soit constante. La propagation des ondes dans cette structure est déterminée par leur réflexion et leur transmission aux interfaces entre les couches et dépend ainsi essentiellement du contraste des vitesses de propagation des ondes dans GaAs et AlAs, c'est-à-dire des rapports entre les deux indices pour la lumière et entre les deux impédances pour le son. Des conditions identiques de propagation et donc de localisation seront obtenues si ces rapports sont égaux. C'est ce que montrent les modélisations effectuées par les physiciens dans ce travail et qui est illustré sur la figure : avec des rapports tous les deux proches de 1.19 pour les deux matériaux choisis, il y a une co-localisation quasi-parfaite de lumière visible rouge de longueur d'onde 870 nm et d'hyper-son de fréquence 18 GHz.

Ce travail montre donc que le désordre peut être exploité pour co-localiser de la lumière visible et du son à très haute fréquence dans des nanostructures. Celles-ci seront préparées par évaporation des matériaux et dépôt des couches successives, une fabrication "bottom-up" autorisant un très bon contrôle du matériau. Grâce à une telle co-localisation, le couplage de la lumière et du son est exalté et cela ouvre des perspectives nouvelles, par exemple dans l'étude des systèmes optomécaniques, la réalisation de modulateurs optiques ultra-rapides et le couplage entre boîtes quantiques.

Illustration
Colocalisation de photons et de phonons dans une structure quasi-périodique : pour chaque mode acoustique il y a un mode optique avec la même distribution spatiale.
(Gauche) Spectres de transmission acoustique et optique. (Droite) Amplitudes des champs électrique et de déplacement acoustique montrant la colocalisation parfaite entre le mode optique à 327.68 THz et le mode acoustique à 18.38 GHz.

 

Référence

Anderson photon-phonon colocalization in certain random superlattices.
G. Arregui, N. D. Lanzillotti-Kimura, C. M. Sotomayor-Torres et P. D. García, Physical Review Letters, le 1 février 2019.

Lire l’article sur la base d’archives ouvertes ArXiv.

Contact

Daniel Lanzillotti-Kimura
Chargé de recherche CNRS au Centre de nanosciences et nanotechnologies
Communication CNRS Physique