Quand la diffraction X aux temps ultracourts révèle qu'une transition vers une phase métallique est pilotée par une onde élastique

Résultat scientifique

L'excitation par une impulsion laser intense des matériaux conduit à des changements des propriétés électroniques qui sont couramment étudiés pour des temps ultracourts (femtosecondes ou picosecondes) via des méthodes optiques. Dans ce travail, grâce à l'utilisation d'impulsions de rayons X ultracourtes, les physiciennes et physiciens étudient pour la première fois les propriétés structurales associées en mesurant de façon quantitative les déplacements atomiques. Ils montrent que pour des nanocristallites d'oxyde de titane (Ti3O5), la transition du semiconducteur vers le métal se propage suivant un front d’onde élastique, à des temps beaucoup plus courts que les temps de mise à l'équilibre thermique.

L’absorption de photons sous l’impact d’une impulsion laser intense et ultracourte permet d’exciter les électrons d'un solide de façon simultanée et cohérente. La modification de la répartition des électrons entraine une modification des positions des atomes dont les réarrangements entre proches voisins sont beaucoup étudiés. Ces réarrangements peuvent ensuite donner naissance à une autre structure cristallographique. C'est le cas par exemple pour l’oxyde de titane (Ti3O5) nanocristallin qui passe d'un état semiconducteur à un état métallique s'il est chauffé à une température de 460 K mais aussi sous l'effet d'une impulsion laser visible.

En utilisant la diffraction des rayons-X avec la source pulsée du laser femtoseconde du laser à électrons libres SwissFEL, une étude conduite par des chercheuses et chercheurs de l'Institut de physique de Rennes (IPR, CNRS/Univ. Rennes)[1], dans le cadre du laboratoire de recherche international franco-japonais LIA IM-LED[2], a révélé la dynamique de cette transformation à l'échelle de quelques picosecondes. Grâce à une analyse quantitative des images de diffraction X, ils montrent que, juste après l'excitation laser, les modifications des positions atomiques conduisent à une dilatation, la structure atomique métallique remplaçant celle semiconductrice, et que cette dilatation se propage dans les nanocristallites à la vitesse du son sous la forme d'une onde de déformation élastique partant de la surface excitée de l’échantillon, et sur des temps de quelques picosecondes. Ils mettent ainsi en évidence pour la première fois un mécanisme de changement de phase cohérent, plus rapide de plusieurs ordres de grandeur que les mécanismes de dissipation thermique. Par ailleurs, la transition entre ces phases semiconductrice et métallique due aux mécanismes thermiques et intervenant sur des temps plus longs a été identifiée par diffraction X avec la source pulsée picoseconde du synchrotron ESRF.

Cette étude pionnière de diffraction X sur un laser à électrons libres se prolongera avec des recherches sur le contrôle de l'onde élastique de changement de phase, en jouant notamment sur la nature de l'excitation électronique par l'impulsion laser et sur la morphologie de l'échantillon. Ces travaux sont publiés dans la revue Nature Communications

les sources pulsées utilisées dans ce travail
Figure 1 : les sources pulsées utilisées dans ce travail : à gauche, le SwissFEL à Villigen en Suisse - crédit PSI/Markus Fischer ;  à droite, l’European Synchrotron Radiation Facility à Grenoble – crédit ESRF/D. MOREL.

 

Figure 2 : à gauche, représentation schématique de l'excitation par le laser visible d'un nanocristallite de Ti3O5 et de la propagation du changement depuis l'état semiconducteur (en bleu) vers l'état métallique (en rouge-orangé) ; à droite, représentation du changement de structure atomique correspondant (Copyright© International Associated Laboratory (LIA), France-Japan international collaboration project IMLED. All rights reserved.)
Figure 2 : à gauche, représentation schématique de l'excitation par le laser visible d'un nanocristallite de Ti3O5 et de la propagation du changement depuis l'état semiconducteur (en bleu) vers l'état métallique (en rouge-orangé) ; à droite, représentation du changement de structure atomique correspondant (Copyright© International Associated Laboratory (LIA), France-Japan international collaboration project IMLED. All rights reserved.)

[1] Ce travail a impliqué une collaboration large avec les équipes du Paul Scherrer Institute (Suisse), des chercheurs de l’Université de Tokyo (Japon), de l'Institut des Matériaux Jean Rouxel (IMN, CNRS/Univ. Nantes) à Nantes, du Greman (CNRS/Univ. Tours) à Tours, de l’Institut des Sciences Chimiques de Rennes (ISCR, CNRS/INSA Rennes/ENSC Rennes/Univ. Rennes 1) et de l'European Synchrotron Radiation Facility (ESRF) à Grenoble.

 [2] LIA : International Associated Laboratory (LIA), IMLED : Impacting Materials by Light and Electric pulses and watching real time Dynamics

 

Référence

Strain wave pathway to semiconductor-to-metal transition revealed by time-resolved X-ray powder diffraction. C. Mariette, M. Lorenc, H. Cailleau, E. Collet, L. Guérin, A. Volte, E. Trzop, R. Bertoni, X. Dong, B. Lépine, O Hernandez, E. Janod, L. Cario, V. Ta Phuoc […] A. Bosak, M. Wulff, M. Levantino, H. Lemke, M. Cammarata. Nature Communications, paru le 23 février 2021.
DOI: 10.1038/s41467-021-21316-y
Article disponible sur les bases d’archives ouvertes hal et arXiv

Contact

Céline Mariette
Chercheuse CNRS, Institut de physique de Rennes
Communication CNRS Physique