Sonder des molécules confinées dans des cellules à gaz ultra-minces
Des chercheurs et chercheuses ont réussi à sonder des gaz moléculaires confinés à l'échelle de la longueur d'onde d'excitation, des conditions expérimentales qui constituent une méthode alternative de spectroscopie moléculaire de précision qui améliore les bases de données moléculaires et permet d’étudier les interactions quantiques fondamentales.
Le confinement des gaz à une échelle comparable à la longueur d'onde d'excitation influence considérablement leur réponse spectroscopique. En particulier, l'élargissement Doppler des raies spectroscopiques, un phénomène dû au mouvement thermique désordonné des particules qui fait fluctuer la fréquence des photons absorbés et élargit leur distribution, peut être fortement inhibé, créant ainsi un nouveau type de spectroscopie à haute résolution, dite sous-Doppler. Cet effet a d’abord été démontré pour des rotations dans le domaine des micro-ondes (longueur d'onde d’environ 1cm) puis a été étudié sur des transitions électroniques optiques de vapeurs atomiques (longueur d'onde de 0,5-1µm). L'étude des rotations-vibrations dont la longueur d'onde est dans l’infrarouge moyen (longueur d'onde d'environ 1 à 20 µm) est beaucoup plus délicate à réaliser, car les raies spectroscopiques associées sont moins intenses comparées à celles des excitations électroniques. En outre, le confinement des gaz moléculaires à ces échelles micrométriques nécessite l'utilisation de plates-formes photoniques miniatures qui ne peuvent être réalisées sans l'aide des nanotechnologies.
Dans un travail récent, des chercheurs et chercheuses du Laboratoire de physique des lasers (LPL, CNRS / Université Sorbonne Paris Nord) de l'Université Sorbonne Paris Nord (USPN) et de l'Université Fédérale de Pernambouc (UFBE, Brésil) ont fabriqué une cellule miniature capable de confiner des gaz moléculaires sur des épaisseurs micrométriques (environ 5µm). Le groupe du LPL a ensuite réalisé la spectroscopie en transmission de gaz de NH3 et de SF6 (un très puissant gaz à effet de serre) avec un laser à cascade quantique émettant à une longueur d’onde de 10,6 µm, ce qui a permis de mettre en évidence des signatures sous-Doppler résolues. Des résultats similaires ont été obtenus sur les vibrations de l'acétylène à 1,53 µm. Ces résultats ont été rendu possibles par la maîtrise par les chercheurs de la détection et la mesure de très faibles changements dans l'intensité du faisceau laser sonde.
Ce travail démontre la mise en œuvre d’une nouvelle méthode pour la spectroscopie rovibrationnelle et le potentiel qu’elle présente pour la fourniture d’informations spectroscopiques inédites de molécules d’intérêt atmosphérique telle que le SF6. Cette méthode permet également d’envisager la fabrication de dispositifs compacts pour la réalisation de références de fréquences avec des applications potentielles en télécommunications et en métrologie des fréquences. À un niveau plus fondamental, les cellules minces à gaz moléculaires constituent des plateformes idéales pour l’étude de la physique des collisions et des interactions entre molécules et surfaces, permettant une meilleure compréhension de la physico-chimie des surfaces et de l'électrodynamique quantique. Ces résultats sont publiés dans Nature Communications.
Références
Probing molecules in gas cells of subwavelength thickness with high frequency resolution, Guadalupe Garcia Arellano, Joao Carlos de Aquino Carvalho, Hippolyte Mouhanna, Esther Butery, Thierry Billeton, Frederic Du-Burck, Benoit Darquié, Isabelle Maurin, Athanasios Laliotis, Nature Communications, publié le 29 février 2024.
Doi : 10.1038/s41467-024-45830-x
Archive ouverte : arXiv