Un algorithme pour façonner des propriétés thermiques à l’échelle nanométrique

Résultat scientifique Nanosciences

Une nouvelle approche numérique basée sur un algorithme évolutionniste permet la simulation, la conception et l’optimisation de surfaces nanostructurées capables de gérer des échanges thermiques à très petite échelle.

Les métasurfaces plasmoniques sont des surfaces structurées à l'échelle nanométrique qui permettent d'exploiter les propriétés de contrôle de la lumière exceptionnelles liées à ces structures métalliques (résonance plasmon). En jouant sur une multitude de nano-composants réfractifs ou diffractifs, il est possible de façonner l'onde lumineuse pour une fonction donnée. La thermo-plasmonique transpose ce concept à la chaleur grâce à la conversion de l’énergie lumineuse d'un laser en chaleur par effet Joule dans ces métasurfaces, ce qui permet d’engendrer des gradients locaux de température. S'il est possible de simuler et de prédire la distribution de chaleur dans une structure simple ou dans un assemblage de quelques nanostructures, cela reste un défi dans le cas d’une métasurface impliquant un grand nombre de briques élémentaires. Envisager des fonctions complexes à ces métasurfaces requiert d’inverser le problème et de déduire la géométrie particulière de la métasurface à partir de la distribution de chaleur souhaitée. C'est la résolution de ce problème inverse que propose dans ce travail une équipe de physiciens toulousains du Centre d’élaboration de matériaux et d’études structurales (CEMES, CNRS).

L'approche nouvelle choisie combine la simulation numérique de propriétés optiques et thermiques de systèmes de forme arbitraire (formalisme de la fonction de Green dyadique) et un modèle d'optimisation évolutionniste. Dans un premier temps, une description quasi-analytique du système est obtenue, ce qui permet une compréhension intuitive des mécanismes optiques et thermiques, puis cette description est complétée par une procédure de discrétisation des éléments de la métasurface qui rend possible l’étude de géométries complexes. Elle a été appliquée à des métasurfaces plasmoniques composées de nano-rectangles d’or. A chaque étape de l’optimisation, l’algorithme génère un ensemble de configurations spatiales de la métasurface à partir des briques élémentaires définies au préalable (nano-rectangles d’or). Puis la distribution de chaleur est calculée pour chacune d’entre elles. Les arrangements restituant les comportements les plus proches des objectifs fixés sont sélectionnés, et réintroduits dans l’algorithme pour une étape supplémentaire d’optimisation. Cette approche itérative, inhérente au modèle évolutionniste, a par exemple convergé vers des géométries de métasurfaces optimisées pour le nano-transport d’énergie thermique, et a été capable d’engendrer des accroissements de température déportés, contrôlables à distance grâce à la polarisation et à la longueur d’onde du laser excitateur, répondant ainsi aux fonctions spécifiques fixées au départ.

Ce travail révèle l’efficacité de la combinaison d’un algorithme évolutionniste et du formalisme de la fonction de Green dyadique appliqués au domaine de la thermo-plasmonique et des métasurfaces, et ouvre la voie au développement de composants thermo-plasmoniques planaires optimisés. Ces composants pourraient notamment trouver des applications dans les domaines de la microfluidique et la nano-manipulation, ou encore en nano-biologie.

 

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(A) Schéma de principe de fonctionnement de l’algorithme évolutionniste. (B) (haut) Illustration d’un modèle physique d’optimisation de l’accroissement de température en sortie d’une chaine de 20 nano-rectangles en or. Les paramètres libres de l’optimisation sont la distance entre les rectangles et leur angle relatif. (bas) Résultats de l’optimisation permettant de maximiser la température relative par rapport à la température au point de lancement par le laser. © CEMES (CNRS)

 

Référence

Designing thermoplasmonic properties of metallic métasurfaces.
Ch. Girard, P. R. Wiecha, A. Cuche et E. Dujardin, Journal of Optics, le 20 juin 2018.
Lire l’article sur la base d’archives ouvertes arXiv.

Contact

Aurélien Cuche
Chercheur CNRS au CEMES
Christian Girard
Chercheur CNRS au CEMES
Communication CNRS Physique