Un cocktail de protéines influence la biocirculation des nanoparticules
Les nanoparticules utilisées en médecine voient leur efficacité modifiée par l’adsorption incontrôlée des protéines des fluides biologiques qu’elles rencontrent. Des scientifiques ont analysé et sélectionné, in vivo, un cocktail de telles protéines influençant la biocirculation de ces nanoparticules, pour à terme améliorer l’efficacité des traitements médicaux les utilisant.
Les nanoparticules, de par leurs propriétés physicochimiques particulières dues à leur taille, suscitent un intérêt croissant pour leur application en médecine. Elles sont utilisées en diagnostic ou pour cibler certains organes ou pathologies et diminuer ainsi les doses thérapeutiques utilisées. Une des conditions à l’utilisation efficace des nanoparticules est qu’elles doivent circuler longtemps dans les fluides biologiques en échappant au système immunitaire qui est naturellement programmé pour les éliminer. Cependant, une fois incubées dans ces fluides complexes, leurs surfaces vont interagir et adsorber les protéines biologiques présentes. Ces dernières vont généralement entraîner une baisse d’efficacité et en particulier ralentir la biocirculation et donc diminuer leur pouvoir ciblant. Bien qu’il semble que certaines protéines de la famille des opsonines et dysopsonines impactent la circulation sanguine des nanoparticules en les rendant plus ou moins visibles par le système immunitaire, il reste encore de nombreuses inconnues quant à la caractérisation fine des protéines contrôlant réellement ce phénomène biologique.
Une étude interdisciplinaire et internationale regroupant des physicochimistes du laboratoire interdisciplinaire Carnot de Bourgogne (ICB, CNRS / COMUE Université Bourgogne Franche-Comté), des biologistes du Centre George François Leclerc de Dijon (CGFL), des pharmaciens du groupe Biopharmaceutical Sciences (Université de Genève, Suisse) et des chimistes du département de chimie de Université de Notre Dame (Indiana, USA) et du département de radiologie de l’université de Stanford (Californie, USA), a étudié la corrélation in vivo entre l’adsorption des protéines plasmatiques, la chimie de surface et la biocirculation de nanoparticules. Les scientifiques ont injecté dans des rats des nanoparticules fonctionnalisées avec des polymères de différentes tailles et portant ou non des charges. Ces nanoparticules ont été ensuite prélevées à différents temps et la biocirculation ainsi que les protéines présentes à leur surface ont été quantifiées. Il a été ainsi démontré que la longueur du polymère n’influençait pas la circulation alors que la charge changeait drastiquement le temps de rétention plasmatique : les nanoparticules ont montré une demi-vie dans le sang inférieure à 5 minutes quand elles sont chargées positivement, de 30 minutes pour celles chargées négativement et de 90 minutes pour les neutres. De plus, il semblerait que les rapports opsonines/dysopsonines présents sur les nanoparticules et devant influencer leurs bio-circulations ne sont finalement pas significativement différents malgré des temps de circulation et des chimies de surface disparates. Vingt-quatre protéines ont été identifiées comme responsables du comportement plasmatique des nanoparticules sept d’entre elles allongeant le temps de circulation sanguine. Il a été remarqué en revanche que la présence d’hémoglobine diminue la circulation des nanoparticules.
Cette étude ouvre la voie à une meilleure compréhension des comportements biologiques des nanoparticules, en premier lieu pour leur développement en nanomédecine mais également pour l’anticipation de leur toxicité après injection ou exposition accidentelle. Ces résultats permettront d’utiliser les protéines identifiées pour fonctionnaliser la surface de nanoparticules et ainsi améliorer leur ciblage spécifique en thérapie ou diagnostic. Ils sont publiés dans la revue ACS Nano.
Références
Identification of the Proteins Determining the Blood Circulation Time of Nanoparticles, Cintia Marques, Mohammad Javad Hajipour, Célia Marets, Alexandra Oudot, Reihaneh Safavi-sohi, Mélanie Guillemin, Gerrit Borchard, Olivier Jordan, Lucien Saviot, et Lionel Maurizi, ACS Nano, publié le 28 juin 2023.
Doi : 10.1021/acsnano.3c02041
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