Un état magnétique quantique géant dans un supraconducteur bidimensionnel

Résultat scientifique

Des physiciens viennent de montrer que l’état quantique engendré par un atome magnétique plongé dans un matériau supraconducteur est étendu de plus d’un ordre de grandeur lorsque le supraconducteur est bidimensionnel que lorsqu’il est à trois dimensions.

Il y a une cinquantaine d’années, les physiciens L. Yu, H. Shiba et A. Rusinov ont prédit indépendamment la formation d’états quantiques localisés autour d’un atome magnétique plongé dans un matériau supraconducteur. L’extension minime de ces états, une fraction de nanomètre, interdit à la fois une mesure précise de leur structure spatiale et leur utilisation pour manipuler les quasi-particules de Majorana, pressenties pour servir de bits quantiques. Des physiciens de l’institut des nanosciences de Paris (CNRS/UPMC), du Laboratoire de physique des solides (CNRS/Univ. Paris-Sud) et de l’institut des matériaux Jean Rouxel de Nantes (CNRS/Univ. Nantes), viennent pour la première fois d’observer des états quantiques produits par des atomes magnétiques individuels dans un supraconducteur bidimensionnel et d’en mesurer la taille et la structure par effet tunnel. L’extension spatiale de ces états est environ 20 fois plus importante que ce qui avait précédemment observé dans des systèmes tridimensionnels. Une modélisation théorique a permis d’interpréter ce phénomène quantitativement aussi bien du point de vue de l’extension spatiale que de la structure oscillante ou de la forme étoilée de la fonction d’onde. Ce travail vient d’être publié dans la revue Nature Physics.

Pour obtenir ces résultats, les physiciens ont utilisé des cristaux de diséléniure qui deviennent supraconducteurs en dessous de 7 Kelvin et dont la structure lamellaire induit un comportement quasi bidimensionnel. La croissance de ces monocristaux a été réalisée en ajoutant un faible pourcentage d’impuretés de fer conduisant à l’inclusion de défauts magnétiques répartis de manière homogène dans les échantillons. À l’aide d’un microscope à effet tunnel, les physiciens ont mesuré la dépendance spatiale du courant tunnel et reconstitué la distribution des états électroniques. Ils ont ainsi observé la présence d’états étendus et de forme étoilée et isolés les uns des autres. Pressentant qu’il s’agissait d’états de Yu-Shiba-Rusinov ils ont alors mené des investigations théoriques qui ont tout d’abord nécessité d’étendre à la géométrie bidimensionnelle les travaux antérieurs. Ils ont ainsi compris le lien entre dimensionnalité et extension spatiale ainsi que le rôle des différents paramètres de couplage dans la structure fine de ces états. Ils ont de plus effectué des calculs de liaisons fortes permettant de démontrer l’impact de la géométrie de la structure de la surface de bande du système dans la forme de ces états. Ces résultats ouvrent la voie vers une nouvelle approche pour coupler des impuretés magnétiques distantes et produire des quasi-particules de Majorana.

Image retirée.
haut) Carte spectroscopique contenant plusieurs impuretés magnétiques situées à différentes profondeurs dans le matériau. (bas) Stimulation liaison forte des états de Yu-Shiba-Rusinov

 

En savoir plus

Coherent long-range magnetic bound states in a superconductor 
G. C. Ménard1, S. Guissard2, C. Brun1, S. Pons1,3, V. S. Stolyarov1,4, F. Debontridder1, M. V. Leclerc1, E. Janod5, L. Cario5, D. Roditchev1,3, P. Simon2 et T. Cren1 
Nature Physics, 12 octobre 2015.

 

Informations complémentaires

1 Institut des Nanosciences de Paris (INSP) 
2 Laboratoire de Physique des Solides (LPS) 
3 Laboratoire de physique et d’étude des matériaux (LPEM) 
4 Moscow Institute of Physics and Technology (MIPT) 
5 Institut des matériaux de Nantes Jean Rouxel (IMN)

Contact

Tristan Cren
Pascal Simon
Jean-Michel Courty
Chargé de mission institut
Communication CNRS Physique