Un nouveau mécanisme de refroidissement ultra-efficace pour les transistors de graphène

Résultat scientifique

Des physiciens viennent de mettre en évidence un nouveau mécanisme de refroidissement pour les composants électroniques en graphène déposés sur du nitrure de bore. L’efficacité de ce mécanisme leur a permis d’atteindre pour la première fois des intensités électriques à la limite intrinsèque de conduction du graphène.

Du supercalculateur au smartphone, les concepteurs de matériel informatique sont confrontés à un défi majeur : évacuer toujours plus de chaleur pour éviter la dégradation voire même la destruction des composants électroniques. La physique est impitoyable : en augmentant la densité de composants sur une puce vous augmentez nécessairement la dissipation d’énergie et donc l’échauffement. Aujourd’hui, avec les matériaux lamellaires de la famille du graphène, cette question devient particulièrement aiguë, car les composants ne sont constitués que d’une seule couche d’atomes. Dans ce contexte, en réalisant un transistor à base de graphène déposé sur un substrat de nitrure de bore, des physiciens du Laboratoire Pierre Aigrain (CNRS/ENS/UPMC/Univ. Paris Diderot) ont mis à jour un nouveau mécanisme de refroidissement 10 fois plus efficace que la simple diffusion de la chaleur. Ce nouveau mécanisme, qui exploite la nature bidimensionnelle des matériaux ouvre un véritable « pont thermique » entre le graphène et le substrat. Les chercheurs ont démontré l’efficacité de ce mécanisme en faisant circuler dans le graphène des niveaux de courant électrique encore inexplorés, à la limite intrinsèque du matériau et cela sans aucune dégradation du dispositif. Ce résultat, publié dans Nature Nanotechnology, constitue un pas important vers le développement de transistors électroniques hautefréquence à base de graphène.

Pour réaliser cette expérience, les physiciens ont tout d’abord fabriqué un transistor à base de graphène. À cet effet, ils ont déposé le graphène sur un large cristal de nitrure de bore de quelques dizaines de nanomètres d’épaisseur lui-même déposé sur une plaque en or servant de thermostat. Ils ont alors fait fonctionner ce transistor à des intensités électriques croissantes et mesuré à la fois la température des électrons et celle du cristal. La température des électrons a été déduite de la mesure des fluctuations haute fréquence du courant électrique. La température du cristal de nitrure de bore a été mesurée par spectroscopie Raman. Leur première surprise a été d’observer que seuls les électrons s’échauffent, épargnant ainsi la structure cristalline du matériau. Les chercheurs ont ensuite observé l’allumage d’un mécanisme de refroidissement des électrons ultra-efficace au-delà d’un seuil de tension. Ils ont expliqué ce phénomène par l’anisotropie diélectrique de la couche de nitrure de bore. Cette anisotropie confère à cet isolant la propriété remarquable de posséder des modes mixtes lumière-vibration appelés polaritons hyperboliques qui se propagent dans l’épaisseur du matériau dans un régime interdit à la plupart des autres isolants. Ces modes « hyperboliques » ouvrent un véritable pont thermique entre le graphène et l’électrode arrière garantissant un refroidissement 10 fois plus efficace que la simple diffusion de la chaleur. L’équipe du LPA a montré que l’efficacité de ce mécanisme est décuplée lorsque le transistor entre dans le régime de Zener-Klein, obtenu sous très fort champ électrique dans du graphène de haute mobilité électronique. Dans ce nouveau régime, d’intérêt tout particulier pour des applications d’amplification à haute fréquence, les électrons sont directement pompés de la bande de valence à la bande de conduction par effet tunnel. Dans ces conditions, ils se couplent de manière optimale aux modes hyperboliques, permettant à la chaleur de passer directement au substrat sans endommager le réseau du graphène.

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Caractéristiques courant-tension (gauche) et température-tension (droite) d’un transistor graphène sur nitrure de bore. L’effet transistor est visible par la modulation du courant en fonction de la tension grille en régime de transport tunnel Zener-Klein (grisé). Il s’accompagne d’une chute remarquable de la température électronique liée à l’émission de polaritons hyperboliques dans le nitrure de bore.

 

En savoir plus

A graphene Zener–Klein transistor cooled by a hyperbolic substrate 
W. Yang, S. Berthou, X. Lu, Q. Wilmart, A. Denis, M. Rosticher, T. Taniguchi, K. Watanabe, G. Fève, J.-M. Berroir, G. Zhang, C. Voisin, E. Baudin & B. Plaçais 
Nature Nanotechnology (2017), doi:10.1038/s41565-017-0007-9

 

Informations complémentaires

Laboratoire Pierre Aigrain (LPA, CNRS/ENS/UPMC/Univ. Paris Diderot)

Contact

Bernard Plaçais
Directeur de recherche CNRS au Laboratoire de physique de l'ENS
Jean-Michel Courty
Chargé de mission institut
Marine Charlet-Lambert
Chargée de communication
Communication CNRS Physique