Un pas décisif vers la microscopie infrarouge super-résolue et l'étude en profondeur des tissus biologiques
La mise au point de nanotubes de carbone dont la fluorescence peut être déclenchée sur commande permet d'envisager une microscopie de pointe élargie au proche infrarouge, une gamme de longueurs d'onde adaptée à l'étude des tissus biologiques.
La microscopie de super-résolution offre des images d'une précision bien supérieure à la longueur d'onde optique (de l’ordre de 500 nm dans le visible), et permet ainsi l’accès au monde moléculaire sous microscope. Mais jusqu'à présent, cette technique en pleine essor était limitée à l'étude d’échantillons biologiques quasiment transparents, excluant les tissus biologiques épais. En effet, la plupart des méthodes reposent sur la mise au point d’émetteurs fluorescents, dont on peut déclencher l'activité optique à distance à l'aide d'un laser. Il est ainsi possible d'illuminer temporairement une molécule, et la distinguer des autres, même si elles sont très proches et en théorie indiscernables. Seulement, les émissions se font essentiellement dans le domaine visible. Elles ne traversent donc pas les tissus biologiques épais, qui sont en revanche transparents dans le proche infrarouge. Transférer cette technologie dans ces longueurs d'onde est délicat du fait des mauvaises propriétés optiques des émetteurs dans ce domaine. Dans le cadre d’une collaboration entre une équipe de Berlin et une équipe du Laboratoire photonique, numérique, nanosciences (LP2N, CNRS/IOGS/Univ. Bordeaux), les chercheurs et les chercheuses ont mis au point pour la première fois des nano-émetteurs photo-commutables émettant à 1065 nm. Les nanotubes de carbone sont des émetteurs naturels dans l'infrarouge. Mais pour déclencher cette émission à la commande, les scientifiques leur ont adjoint des molécules jouant le rôle d'interrupteur. Ces molécules photo-commutables déclenchent l’illumination des nanotubes lorsqu'elles changent de configuration sous l'effet de la lumière laser. Grâce à cette technique, les chercheurs sont parvenus à obtenir des images « super-résolues » de nanotubes distincts.
Ce travail constitue ainsi le premier jalon pour appliquer la microscopie de super-résolution dans le proche infrarouge, un objectif jusqu'alors impensable. En outre, le « photo-contrôle » d’émetteurs individuels pourrait trouver de nombreuses applications pour les applications de stockage / de traitement de l'information, car la plupart des protocoles de transfert de données de communication sont établis dans cette plage de longueurs d’onde.
Références
Photoswitchable single-walled carbon nanotubes for super-resolution microscopy in the nearinfrared. Antoine G. Godin, Antonio Staro, Morgane Gandil, Rainer Haag, Mohsen Adeli, Stephanie Reich et Laurent Cognet, Science Advances, le 27 septembre 2019.
DOI: 10.1126/sciadv.aax1166
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