Un record de vitesse pour les condensats de polaritons

Résultat scientifique Physique des solides

Particules mi-lumière mi-matière, les polaritons peuvent former des condensats. Ces ensembles quasi immobiles ont pour la première fois été mis en mouvement à des vitesses très élevées, jusqu’à atteindre 20 % de la vitesse de la lumière dans des guides d’onde en oxyde de zinc.

Les polaritons sont des particules qui résultent d’une interaction forte entre la lumière et la matière –  ici des électrons et trous excités (excitons) dans des semi-conducteurs tel que l'arséniure de gallium (GaAs) ou l'oxyde de zinc (ZnO). Un ensemble de polaritons peut former un condensat, c'est-à-dire occuper un même état quantique et avoir un comportement d'ensemble cohérent (condensat de Bose-Einstein). La lumière qu'ils émettent est également cohérente, c'est pourquoi ils sont appelés aussi lasers à polaritons. Mi-lumière mi-matière, les polaritons sont intéressants notamment parce qu'ils interagissent avec leur environnement plus efficacement que la lumière seule, ce qui facilite par exemple l'obtention des effets non-linéaires utilisés dans les dispositifs optiques. Les condensats de polaritons sont généralement immobiles : ils sont conçus dans des microcavités semi-conductrices verticales dont l’état de plus basse énergie est caractérisé par une vitesse nulle. Les tentatives pour mettre ces condensats en mouvement ont jusque-là mené à des faibles vitesses ou ont été accomplies au prix des propriétés des polaritons, qui voient alors leur capacité d’interagir avec l'environnement chuter. Grâce à la fabrication d'un guide d'onde en ZnO, les chercheurs de l’Institut Pascal (CNRS/Université Clermont Auvergne/SIGMA Clermont), du Centre de recherche sur l’hétéroépitaxie et ses applications (CRHEA, CNRS) et du Centre de nanosciences et de nanotechnologies (C2N, CNRS/Université Paris-Sud) ont pour la première fois réussi à condenser des polaritons dans un état caractérisé par une très grande vitesse (de groupe), environ 20 % celle de la lumière dans le matériau.

Au contraire des microcavités verticales, le système de guide d'onde offre accès à une dispersion polaritonique caractérisée par de grands vecteurs d’onde qui permet la propagation des polaritons à grande vitesse (voir la figure). Créés dans le ZnO plutôt que dans le GaAs, les polaritons vont relaxer à partir d'un réservoir d'excitons en perdant leur énergie facilement en raison d'un échange plus efficace avec les vibrations du réseau (phonons). Ceci leur permet d'atteindre très rapidement la densité seuil nécessaire pour la condensation, et ce, même au fur et à mesure de la propagation. Enfin, malgré leur grande vitesse, les polaritons du condensat gardent leurs propriétés d'interaction avec l'environnement. En outre, contrairement aux guides habituels en AsGa qui ne fonctionnent qu’en dessous de - 200 °C, ce système fonctionne à température ambiante. Ces travaux permettent ainsi d’envisager des circuits intégrés polaritoniques de quelques microns de longueur, alors que les équivalents photoniques ont des dimensions de l’ordre du millimètre.

Image retirée.
Observation de la condensation de polaritons se propageant à vitesse élevée. A droite : émission laser du condensat à environ 3.34 eV, soit environ 370 nm ; à gauche : courbe de dispersion (énergie E en fonction du vecteur d'onde k, ici en fonction de l'angle d'émission) démontrant la nature polaritonique de l’émission laser, leur vitesse de groupe étant donnée par δE/δk et atteignant ici les 50 µm/ps. La valeur de Ω donne la force du couplage entre la lumière et les excitons au sein du guide, responsable de la courbure importante par rapport au mode guidé nu (en pointillé blanc). © J. Zuniga-Perez, CRHEA (CNRS)

 

Référence

Edge-emitting polariton laser and amplifier based on a ZnO waveguide
Omar Jamadi, François Reveret, Pierre Disseix, François Medard, Joel Leymarie, Antoine Moreau, Dmitry Solnyshkov, Christiane Deparis, Mathieu Leroux, Edmond Cambril, Sophie Bouchoule, J. Zuniga-Perez et Guillaume Malpuech
Light: Science & Applications, le 31 octobre 2018.
Lire l’article sur la base d’archives ouvertes arXiv.

Contact

Jesus Zuniga Pérez
Chargé de recherche au CNRS, Centre de recherche sur l'hétéroepitaxie et ses applications
Communication CNRS Physique