Position angulaire du halo de diffusion mesurée en diffraction des rayons X en fonction du déplacement Raman © M. de Noirfontaine

Vers de nouveaux ciments bas-carbone

Résultat scientifique

Une étude s’inscrivant dans le cadre de la recherche de nouveaux composés de substitution au ciment Portland a caractérisé un ensemble de matériaux vitro-cristallins, dans le but d’identifier rapidement de nouveaux candidats susceptibles de développer de bonnes performances en termes de résistance mécanique et durabilité du matériau.

Le béton est le matériau de construction le plus utilisé dans le monde, avec une consommation annuelle estimée à 10 milliards de tonnes. Ces besoins requièrent une forte production de ciment Portland, à l’origine d’environ 6-8 % des émissions de CO2. La fabrication du constituant actif du ciment, nommé le clinker, passe par une étape de décarbonatation du calcaire CaCO3, quand ce dernier est dissocié en chaux (CaO) et en CO2, puis par une étape de cuisson à plus haute température. Ces deux étapes sont respectivement responsables de 2/3 et 1/3 des émissions de CO2. Une solution qui demeure à ce jour la plus efficace pour réduire ces émissions consiste à remplacer partiellement le clinker par des composés de substitution. L’objectif dans l'industrie du ciment d'ici à 2050 est de réduire drastiquement les émissions de CO2, les cimentiers français s’étant par exemple engagés à réduire de 50 % ces émissions par rapport au chiffre de 2015. L’industrie cimentière propose déjà des ciments composés, ayant une plus faible proportion de clinker et une fraction de plus en plus importante de matériaux vitreux ou vitro-cristallins finement broyés. Les composés de substitution réactifs les plus utilisés sont des sous-produits industriels tels que le laitier de haut fourneau (liquide silicaté trempé résultant de la fusion des composés non métalliques des minerais), les cendres volantes (issues de la combustion du charbon) ou la fumée de silice. On utilise également des matériaux naturels comme des pouzzolanes. La fermeture progressive des hauts fourneaux et des centrales à charbon conduit à une diminution des réserves des laitiers et de cendres volantes, nécessitant d’explorer de nouveaux candidats, comme le verre recyclé par exemple.

Dans une étude menée au Laboratoire des Solides Irradiés (LSI, CEA / CNRS / Ecole Polytechnique) en collaboration avec l’Industrie Cimentière (France Ciment), des chercheurs et chercheuses ont testé systématiquement une grande quantité de ces matériaux de substitution déjà utilisés ou candidats à l’être, en se focalisant sur la phase vitreuse. Le but est de pouvoir à l’avenir sélectionner des matériaux potentiels a priori, à partir de critères simples de composition chimique et de structure. Une caractéristique importante de ces composés est leur réactivité chimique puisqu’ils doivent remplacer le principe actif du ciment. Un des critères de réactivité des structures vitreuses est leur degré de polymérisation : plus la structure est dépolymérisée, plus elle sera réactive. À partir d’une sélection d’échantillons représentatifs, cette étude propose de premières abaques (voir figure) permettant de prédire le degré de polymérisation de la structure vitreuse à partir de méthodes analytiques accessibles en laboratoire (fluorescence X, diffraction des rayons X, spectroscopie Raman). Plus précisément, la position du halo de diffusion mesurée par diffraction, le déplacement Raman de la bande Si-O des structures vitreuses, et le degré de polymérisation sont dans la plupart des cas fortement corrélés. D’autre part, la position du halo de diffusion est fortement corrélée au rapport CaO/(SiO2+Al2O3) déterminé par fluorescence X. Le simple recours à l’une des trois techniques de laboratoire permet ainsi d’avoir rapidement une indication du degré de polymérisation. Cette étude montre en particulier que le verre recyclé a la spécificité de présenter deux types de structure vitreuse, l’une calcique très dépolymérisée à hauteur de 20 % et l’autre siliceuse peu dépolymérisée à hauteur de 80 %. Ce résultat constitue ainsi un premier pas vers la prédiction de sa réactivité, en cours d’étude. Ces travaux sont publiés dans Cement and Concrete Research.

Illustration de Noirfontaine
Figure (gauche) : Position angulaire du halo de diffusion mesurée en diffraction des rayons X en fonction du déplacement Raman (cercles : bande d’élongation Si-O) et du degré de polymérisation pondéré (triangles : Qn) pour une série de composés de substitution et un verre de silice de référence (« SiO2 glass »). (droite) : Position du halo de diffusion mesurée en diffraction des rayons X en fonction du rapport CaO/(SiO2+Al2O3) déterminé par fluorescence X (carrés : composition chimique du composé de substitution, cercles : composition chimique de la structure vitreuse du composé de substitution) © M. de Noirfontaine.
[S1-S3 : laitiers de hauts fourneaux, Ca FA : cendre volante calcique, Si FA : cendres volantes siliceuses, P1-P3 : pouzzolanes naturelles, Ob : obsidienne, Di : diatomite, SF : fumées de silice, Si Rec Gl : verre recyclé, composante vitreuse siliceuse, Ca Rec Gl : verre recyclé, composante vitreuse calcique].

Références

The glassy structure of reactive Supplementary Cementitious Materials (SCMs) and recycled glass: Contribution of XRD and Raman spectroscopy to their characterization, Théodore Serbource, Mireille Courtial, Marie-Noëlle de Noirfontaine, Sandrine Tusseau-Nenez, Christophe Sandt, Laurent Izoret, Cement and Concrete Research, publié le 28 février 2024.
Doi :
10.1016/j.cemconres.2024.107468
Archives ouvertes : HAL 

Contact

Marie-Noëlle de Noirfontaine
Chercheuse CNRS, Laboratoire des Solides Irradiés (LSI)
Communication CNRS Physique