Voir le collagène en 3D
Visualiser le collagène dans les tissus biologiques est crucial, mais la microscopie multiphoton utilisée habituellement détecte mal les fibres orientées hors du plan d’imagerie. Une équipe de chercheurs et de chercheuses est parvenue à dépasser cette limitation en exploitant la chiralité du collagène.
La distribution tridimensionnelle des fibres de collagène, constituant l’essentiel des tissus biologiques, détermine en grande partie les fonctions tissulaires. Ainsi, le derme de la peau doit sa souplesse et son opacité à l'enchevêtrement désordonné de grosses fibres, tandis que la transparence et la rigidité de la cornée découlent de fibrilles bien ordonnées en lamelles. Il est donc primordial de caractériser précisément la distribution spatiale de ces fibres, pour mieux comprendre le lien entre la structure d’un tissu et sa fonction biologique. Cela permettrait par exemple de reproduire cette structure in vitro et obtenir des tissus biomimétiques pour les greffes ou les études biomédicales. De plus, la majorité des pathologies induit un remodelage du collagène, en général plus désordonné (par exemple les cicatrices de la peau), qu’il est nécessaire de caractériser afin d’améliorer le diagnostic ou la connaissance de ces pathologies.
La technique de référence pour imager le collagène en 3D est la microscopie par Génération de Second Harmonique ou « SHG », qui fait partie des processus optiques appelés « multiphoton ». Ces signaux SHG permettent de visualiser le collagène sans marquage, avec une spécificité inégalée. En jouant sur l’état de polarisation de la lumière, il est de plus possible de faire ressortir la direction des fibres dans le plan d’imagerie. Toutefois, les fibres pointant hors du plan d’imagerie émettent un signal trop faible pour être détectées correctement. Dans un article publié dans le revue Optica, des physiciennes et des physiciens du Laboratoire d’optique et biosciences (LOB, CNRS/Ecole Polytechnique/INSERM), au sein d’une collaboration internationale, visualisent spécifiquement ces fibres hors plan par des mesures de la différence entre les signaux SHG excités par des polarisations circulaires droite et gauche. Cette différence s’explique par la chiralité des molécules en triple hélice du collagène. Par ailleurs, son analyse théorique nécessite de prendre en compte les contributions dipolaires magnétiques, et non pas seulement électriques, importantes dans toute interaction de la lumière avec des objets chiraux. Les simulations numériques ainsi que les images de cornées humaines obtenues montrent que cette méthode permet de mesurer un nouveau paramètre de désordre en 3D.
Référence
Circular dichroism second-harmonic generation microscopy probes the polarity distribution of collagen fibrils. Margaux Schmeltz, Claire Teulon, Maxime Pinsard, Uwe Hansen, Maged Alnawaiseh, Djida Ghoubay, Vincent Borderie, Gervaise Mosser, Carole Aimé, François Légaré, Gaël Latour, and Marie-Claire Schanne-Klein, Optica, 22 octobre 2020.
DOI: 10.1364/OPTICA.399246