Modulation ultrarapide de la polarisation de la lumière dans des matériaux ferroélectriques

Résultat scientifique

Des chercheurs viennent de réaliser un nouveau type de modulateur « acoustooptique » tout optique permettant de moduler l’intensité, la phase ou la polarisation d’un faisceau lumineux, à l’échelle de la picoseconde.

Dans un système tel que le LIDAR, l’analyse à distance de la composition chimique de l’atmosphère est réalisée grâce à un faisceau laser dont la fréquence est décalée en continu. Dans d’autres applications, notamment dans les télécommunications, ce décalage en fréquence est associé à des modifications de l’intensité, de la phase, de la polarisation ou de la direction du faisceau laser. Dans toutes ces situations, cette action sur la lumière est pilotée soit par un signal électronique oscillant dont la fréquence vient s’ajouter à celle de l’onde laser dans le laser lui-même, soit grâce à un modulateur agissant sur le faisceau lumineux. Actuellement, la fréquence de cette modulation ne dépasse pas quelques gigahertz, en raison des limites intrinsèques aux systèmes électroniques qui la génèrent. Des physiciens de l’Institut des Molécules et des Matériaux du Mans (IMMM, CNRS/Univ. du Maine), en collaboration avec leurs collègues du laboratoire Structures, Propriétés et Modélisations des Solides (SPMS, CNRS/CentraleSupélec, Univ. Paris Saclay), du Luxembourg Institute of Science and Technology (LIST), du Physics and Materials Science Research Unit (Univ. du Luxembourg), du Service de Physique de l’Etat Condensé (SPEC, CNRS/CEA) et du Laboratoire d’Acoustique de l’Université du Maine (LAUM, CNRS/Univ. du Maine), viennent de proposer et de réaliser un nouveau dispositif dans lequel l’oscillation qui module la lumière est créée optiquement à l’aide d’un laser femtoseconde, et non électriquement. Ce dispositif, qui permet de moduler l’intensité, la phase et la polarisation de la lumière, repousse la limite à des centaines de gigahertz. Concrètement, les chercheurs excitent des ondes acoustiques dans des matériaux ferroélectriques, tels que BiFeO3 et LiNbO3, au sein desquels les processus acousto-optiques sont particulièrement efficaces grâce à leur grande biréfringence optique et à de forts coefficients photoélastiques. L’emploi de lasers femtosecondes pour générer un paquet d’ondes acoustiques cohérent a permis de montrer que cette modulation de la polarisation de la lumière peut être contrôlée à l’échelle de la picoseconde et sur des échelles submicrométriques. Ce travail est publié dans la revue Nature Communications.

Dans cette approche, les auteurs ont utilisé plusieurs cristaux biréfringents, tels que le LiNbO3, le BiFeO3 et la calcite (CaCO3). Ces matériaux ont en effet la propriété de séparer spatialement les deux polarisations d’un faisceau lumineux. Les chercheurs ont étudié en détail l’interaction entre la lumière et les ondes acoustiques dans ces matériaux, tant pour produire des ondes acoustiques de fréquence choisie, que pour l’effet de ces ondes sur une impulsion laser les traversant. Ils ont notamment démontré la possibilité de transférer la lumière se propageant dans le mode de polarisation dit « ordinaire » vers le mode « extraordinaire » qui porte la seconde polarisation de la lumière et se propage dans une direction différente. Pour y parvenir, ils ont réalisé des expériences dans la configuration dite « pompe-sonde » avec des impulsions lumineuses ultracourtes. Un premier faisceau, le faisceau pompe, génère en surface du cristal un paquet d’ondes acoustiques, tandis qu’un second faisceau retardé dans le temps, le faisceau sonde, permet de suivre ce paquet d’ondes acoustiques lors de la propagation. Le point important a été de montrer que cette conversion de mode optique est optimale dans les matériaux ferroélectriques LiNbO3 et BiFeO3 pour certaines géométries, notamment dans le cas où l’axe polaire ferroélectrique est parallèle à la surface. Dans un premier temps, les chercheurs ont intégré rapidement cette nouvelle modulation acousto-optique ultrarapide (10-100 GHz) dans des dispositifs à base de LiNbO3, matériau déjà très présent dans les modulateurs actuels. Dans un second temps, leurs travaux ont permis de révéler le potentiel optique de BiFeO3, élargissant ainsi le champ d’applications de ce matériau lui aussi multiferroïque. Enfin, la modulation de polarisation de la lumière devant se produire sur un front d’onde acoustique doté d’une extension spatiale d’une dizaine de nanomètres, ces résultats offre une voie prometteuse au développement de modulateurs acousto-optiques submicrométriques et par là, aux futures technologies de l’information et de la photonique rapide.

Image retirée.
Principe de la diffusion Brillouin dans un système biréfringent où il est possible de convertir un mode « ordinaire (no) » en « extraordinaire (ne) » lors de la collision phonon-photon.

 

En savoir plus

Ultrafast acousto-optic mode conversion in optically birefringent ferroelectrics 
M. Lejman, G. Vaudel, I. C. Infante, I. Chaban, T. Pezeril, M. Edely, G. F. Nataf, M. Guennou, J. Kreisel, V. E. Gusev, B. Dkhil et P. Ruello 
Nature Communications (2016), doi:10.1038/ncomms12345

 

Informations complémentaires

Institut des Molécules et des Matériaux du Mans (IMMM) 
Structures, Propriétés et Modélisations des Solides (SPMS) 
Luxembourg Institute of Science and Technology (LIST) 
Physics and Materials Science Research Unit 
Service de Physique de l’Etat Condensé (SPEC) 
Laboratoire d’Acoustique de l’Université du Maine (LAUM)