Protéger les bits quantiques de la décohérence grâce aux photons

Résultat scientifique

En utilisant deux ondes électromagnétiques de fréquences proches, des chercheurs ont démontré qu’il est possible de protéger un qubit, équivalent quantique du bit informatique, des sources de décohérence et d’augmenter significativement son temps de vie.

Le qubit est la brique fondamentale de l’ordinateur quantique. Si un bit classique représente un état bien défini 0 ou 1, son homologue quantique peut se trouver à la fois dans l’état 0 et 1. Toutefois, cet état de superposition demeure très fragile et son environnement tend à détruire le qubit. L’un des défis de l’informatique quantique est de pouvoir maintenir l’information pendant une durée suffisamment longue pour réaliser des calculs. De nombreux travaux portent sur les propriétés des matériaux candidats pour fabriquer des qubits, notamment l’effet de l’enrichissement isotopique ou de la dilution magnétique extrême.

Des chercheurs de l’Institut matériaux microélectronique et nanosciences de Provence (IM2NP, CNRS/Aix-Marseille Université), du Laboratoire avancé de spectroscopie pour les interactions, la réactivité et l'environnement (LASIRe, CNRS/Université de Lille) en collaboration avec les universités d’état de Floride (FSU) et de Groningen, proposent un nouveau protocole expérimental, indépendant du matériau et qui permet d’augmenter le temps de cohérence de façon significative. Ces résultats sont parus dans la revue Scientific Reports. Pour parvenir à ce résultat, les physiciens ont utilisé des ondes électromagnétiques de deux fréquences distinctes. La première est celle employée dans le protocole standard de manipulation d’un qubit. Sa fréquence correspond à l’énergie qu’il faut pour basculer de l’état 0 vers l’état 1, ce qui permet de manipuler le qubit. Le temps nécessaire à l’état 0 pour passer à l’état 1 puis revenir est directement lié à cette première onde, et appelé période de Rabi. La seconde onde utilisée dans ce nouveau protocole possède une fréquence assez proche de la première, mais décalée de ∆. Si ∆ est quelconque, aucune protection n’est observée. En revanche, si ∆ est égale à la fréquence de Rabi, le temps de vie du qubit est fortement augmenté. La deuxième onde agit comme un excitateur qui met en résonnance le qubit, et compense la dissipation causée par l’environnement. L’effet de protection est impressionnant, car le nombre de portes quantiques élémentaires (chaque oscillation du qubit correspond à une porte quantique, équivalent des portes logiques de l’informatique classique) a été multiplié par plusieurs milliers. Le temps de vie d’un qubit, quelques millisecondes, est habituellement limité par le temps de relaxation transverse (temps durant lequel le qubit est dans l’état superposé « 0 et 1 »). Il devient maintenant limité par le temps de relaxation longitudinale (temps durant lequel le qubit est dans l’état « 0 » ou « 1 »), qui peut atteindre plusieurs heures dans certains cas.

Ce nouveau protocole a été appliqué avec succès sur trois types de matériaux : le diamant, les ions métalliques et les terres rares, mais il pourrait s’adapter à d’autres types de systèmes comme les atomes froids, les supraconducteurs ou les quantum dots.

Oscillations de Rabi de l’ion Mn2+
Oscillations de Rabi de l’ion Mn2+. Chaque oscillation équivaut à une porte logique. Plus le nombre d’oscillations est élevé et plus l’algorithme quantique pourra être complexe. Le nouveau protocole proposé montre un nombre d’oscillations incroyablement plus élevé que le protocole standard. © Sylvain Bertaina 

 

Référence

Experimental protection of quantum coherence by using a phase-tunable image drive. S. Bertaina, H. Vezin, H. DE Raedt, I. Chiorescu, Scientific Reports, le 10 décembre 2020.
DOI : 10.1038/s41598-020-77047-5 (Open Acces)

Contact

Sylvain Bertaina
chargé de recherche CNRS, Institut matériaux microélectronique et nanosciences de Provence
Communication CNRS Physique