Des nanochaises pour manipuler la lumière

Résultat scientifique

En concevant des métasurfaces structurées en forme de nanochaises, des chercheurs sont parvenus à fabriquer des lentilles d'une épaisseur comparable à celle d'un virus, capables de modifier la couleur d'un faisceau lumineux, tout en contrôlant sa focalisation.

Une surface nanostructurée permet de maîtriser les propriétés de propagation de la lumière incidente, avec une épaisseur inférieure à sa longueur d’onde. Des objets de ce type, dits métasurfaces, suscitent un fort intérêt grâce à leurs débouchés potentiels non seulement en miniaturisation de composants optiques tels que filtres, prismes et lentilles, mais aussi sur des fonctionnalités inédites de manipulation de la lumière. C’est le cas des métasurfaces optiques non linéaires, qui combinent la possibilité de changer la couleur d’un signal optique, tout en le focalisant.

Grâce à un réseau bidimensionnel de nanoantennes semiconductrices, des chercheurs du Laboratoire Matériaux et phénomènes quantiques (MPQ, CNRS/Université de Paris) ont conçu et réalisé des métalentilles ultrafines capables de générer et focaliser à différentes distances un signal obtenu à partir d’un faisceau laser d’une longueur d’onde égale à celle utilisée dans les fibres optiques. Les éléments de base de ces métasurfaces sont des nanostructures d’arséniure d’aluminium-gallium sculptées en forme de nanochaises. Ces nanoantennes permettent de passer d’une longueur d'onde située dans le proche infrarouge à une longueur d’onde divisée par deux (cf. les faisceaux rouge et bleu sur la figure), avec une phase dépendant de leur orientation et de leur taille. Celle-ci est de l’ordre de quelques centaines de nanomètres (comparable à celle d’un virus), alors que le diamètre de la métalentille non linéaire est inférieur à l’épaisseur d’un cheveu. Les antennes sont reportées sur un substrat transparent, grâce à une technique de collage de plaques réalisée par le laboratoire grenoblois IRIG-PHELIQS (CEA /Univ. Grenobles Alpes). Ces résultats sont publiés dans la revue Optica.

La création d’une librairie de nanoantennes de tailles et orientations différentes permet d’imprimer à l’onde générée un profil de phase arbitraire, comme une antenne à réseau de phase dans le domaine des radiofréquences. La modélisation du dispositif a nécessité une méthodologie originale du fait des propriétés anisotropes des antennes. De même, la fabrication en deux étapes, afin de réaliser le « dossier » et le « siège » des nanochaises, a constitué un défi important. Le protocole proposé dans cette première preuve de concept, pourrait être utilisé pour démontrer d’autres dispositifs non réalisables avec des composants massifs ou, plus en général, pour implémenter des métahologrammes non linéaires. Le matériau choisi, l’AlGaAs, favorise à la fois une efficacité de conversion de fréquence record (10-5, soit un million de fois plus élevée qu’avec des métasurfaces métalliques), mais il laisse aussi présager une large marge de progrès pour l’intégration avec d’autres dispositifs photoniques à semiconducteur.

Dans le futur proche, ces métasurfaces pourraient être intégrées dans des diodes laser et des capteurs, ainsi que contrôler indépendamment le faisceau « rouge » et le faisceau « bleu », ce qui permettrait par exemple de manipuler le deuxième sans modifier le premier. Les chercheurs sont aussi en train d’explorer l’exploitation de ces métasurfaces comme sources de photons intriqués avec des propriétés de propagation accordables. 

réseau de plusieurs centaines de nanostructures en forme de chaise
Figure : Un réseau de plusieurs centaines de nanostructures en forme de chaise (à droite au microscope électronique) est capable de diviser par deux la longueur d’onde d’un faisceau incident « rouge » et de focaliser le faisceau généré « bleu » à une distance choisie. (Crédit image : C. Gigli, MPQ).

 

Référence

Tensorial phase control in nonlinear meta-optics. C. Gigli, G. Marino, A. Artioli, D. Rocco, C. De Angelis, J. Claudon, J.-M. Gérard, et G. Leo. Optica, Vol. 8, No. 1, p. 269-276. Publié le 13 janvier 2021.
DOI: 10.1364/OPTICA.413329

Contact

Giuseppe Leo
Professeur à l'Université de Paris, MPQ
Communication CNRS Physique